Les Lardenois d'Ecurey

 

Lettre du colonel LARDENOIS à la commune de Lissey

 

            Monsieur LARDENOIS Jean Pierre Quentin, colonel en retraite, domicilié à Ecurey, propriétaire d'une huilerie située sur le territoire d'Ecurey et moitié du territoire de Lissey, au lieudit Harbon, a l'honneur, d'après le projet de la commune de Lissey, de représenter que son usine, construite par son père, il y a environ quatre-vingt dix ans est alimentée par l'effet d'un chenal, limitant les deux territoires et recevant les eaux dans une pente naturelle de la vallée de la Feuillade et de celle des Aunes.

            Il résulte du dit projet et d'un récent décret de Monsieur le président de la République que la commune de Lissey est aujourd'hui autorisée à se rendre propriétaire des eaux de la vallée de la Feuillade pour les diriger par le moyen de ...... (?) dans l'intérieur du village de Lissey, en absorbant naturellement sur tout le parcours, toutes les conduites d'eau ou sources situées sur le dit tracé.

            Ce projet lui est très préjudiciable, en ce sens que si son père a fait construire cette usine, après formalités et autorisations préalables, c'était dans l'unique intention d'utiliser, à l'industrie et aux besoins de ses concitoyens les eaux de la vallée des Aunes et celles, non moins importantes, de la vallée de la Feuillade; que jamais son père et ni lui n'ont été troublés dans la jouissance des eaux de cette dernière vallée, lesquelles arrivent naturellement par le versant nord, dans le chemin qui les amènent directement dans le bief de son usine, pour ensuite les rendre pour la continuation du dit cours d'eau, au moulin d'Ecurey à environ un demi kilomètre en dessous.

            Puisqu'il y a volonté de la part de la commune de Lissey de lui enlever les eaux de toute cette vallée de la Feuillade, il a droit de réclamer avec justice et instance qu'il lui soit payé par la dite commune une large indemnité en rapport du grand préjudice que va lui causer cet enlèvement d'eau.

            Il a le ferme espoir que la réclamation sera prise en très sérieuse réclamation, non seulement par la commune de Lissey, mais aussi par l'Autorité supérieure et que justice de ce préjudice lui sera fait et payé dans la même proportion des dommages qui lui sont causés.

 

                                                           Ecurey le dix-neuf novembre 1873

                                                                  Le colonel Lardenois

 

            Lu pour légalisation de la demande de Monsieur Lardenois, colonel en retraite, domicilié à Ecurey, par nous maire de la commune d'Ecurey (Meuse) et que foi doit y être ajouté ?.

                                                           Ecurey le vingt novembre 1873

                                                                     Le maire d'Ecurey

                                                                                  Simonin

            Le 19 novembre 1874, Louis Gabriel, meunier, qui exploite le moulin, situé derrière l'huilerie, adresse, à la commune de Lissey, une lettre similaire pour demander une subvention de 6000 F.

            De même, le 23 novembre 1874, les propriétaires de Haie Moulin,  Hyacinthe et Augustine Collet adresse également une réclamation à la commune de Lissey (Journal de Montmédy).

            L'huilerie, construite vers 1780, se trouvait approximativement un peu au-dessus du captage actuel d'Ecurey. On y produisait de l'huile de noix, principalement pour l'alimentation, de l'huile pour l'éclairage (colza, chènevis, la "cameline", aussi, me disait Marc RICHARD, ou "lin bâtard", celle-ci servait aussi de fourrage pour les animaux, peut-être également de l'huile de navette utilisée en Suisse dans l'horlogerie, etc.). En fait les huileries, concurrencées par le pétrole, disparurent progressivement à partir de 1872. Il est probable que Lardenois prévoyant la fin prochaine de sa petite production ait cherché a obtenir une compensation. Nous n'avons pas trouvé de réponse à ces demandes, en provenance de la commune de Lissey.

            On voit également sur ce plan (cadastre de 1840) qu'une fontaine éxistait un peu plus en aval. La route d'Ecurey à Haraumont n'était pas encore tracée.

            Cette fontaine appartient à M. Lardenois, colonel en retraite à Ecurey, qui se trouve heureux de la mettre à disposition des malades. La température en est de + 8,5°.

            Aussitôt sa sortie de terre, l'eau dépose un sédiment rouge sur les pierres de sa rigole, sur les herbes qu'elle mouille; ce sédiment est du sexquioxyde de fer hydraté rouge lie de vin; elle est peu riche en autres sels ( Mémoires de la société Philomatique de Verdun, (1863), Tome VI; sur l'eau du bois des Aunes, à Ecurey)

           

Huilerie lissey 1840

 

Les Lardenois à ECUREY

 

            Les Lardenois sont implantés à Ecurey depuis 1688. Je n'ai pas voulu faire des recherches généalogiques les concernant, cela m'aurait demandé beaucoup trop de temps. A l'époque les familles étaient nombreuses et il y avait beaucoup de Lardenois dans le secteur; il y en avait même à Lissey. Je me suis donc contenté de reproduire les documents en ma possession et en particulier, je me suis largement inspiré du site internet de Mr et Mme Lambotte d'Ecurey: "Ecurey-en-Verdunois, du haut du clocher".

            Comme on va le voir, certains membres de cette famille ne manquaient pas d'initiatives, d'opportunisme et certains étaient des personnalités intéressantes.

Ecurey vers haraumont img 4

LARDENOIS François

 

          1765: 11 août 1765: adjudication faite par les maires, gens de justice et communauté de Lissey, au profit de François LARDENOIS d'Ecurey, pour la reconstruction du pont de <<la Frache Saux>> ( Franche Chaux), moyennant 540 l. (fol. 21) (Registre C 1077). 

 

           1766: Travaux dans l'église d'Ecurey. Les fenêtres latérales ont été repercées en 1766 par Henri Beauvarlet (architecte à Dun sur Meuse). D’après un document des archives départementales (AD 55, C 1077, fol 49), H. Beauvarlet s’engage par un traité du 7 juin 1765 envers François Lardenois, marchand à Ecurey à conduire les ouvrages de l’église d’Ecurey, moyennant 50 sols par jour. Ce document cité par le pouillé de Verdun (T.4, p. 252) est malheureusement introuvable à la cote citée.

 

          1772, le 25 juin 1772: prise de possession de la cense du Roy à Lissey, par Jean HOUET, de Paris, et François LARDENOIS, de Lissey, son associé pour moitié, moyennant 1200 l. de rente annuelle et 1410 l. de << sol pour livre >> (fol. 40) (Registre C 1080)

 

LARDENOIS  Henry

 

             Lardenois Henry (1752-1825), notaire impérial à Ecurey, juge de paix à Damvillers, marié le 9 septembre 1777, à Réville-aux-Bois  avec Laminette Barbe (1757-1794).

            Il eut dix enfants dont: Lardenois Anne-Marie Françoise-Victoire (née le 4/11/1786 à Ecurey, décédée le 11/01/1864 à Lissey, mariée le 15/04/1807 à Péchenart Jean-Baptiste (tanneur) né le 02/081786 à Dannevoux, décédé le 19/11/1812 à Suippes) et son fils, Lardenois Jean-Pierre-Quentin, colonel, auteur de la lettre ci-dessus.

           Les justices de paix étaient des institutions juridiques de proximité, mises en place en France en 1790 et supprimées en 1958. Il y en avait alors une par canton ; chacune était sous la responsabilité du juge de paix.

            C'est la Constituante qui instaure en France les justices de paix par la loi des 16 et 24 août 1790. L'objectif de cette création est de mettre au service des citoyens une justice plus proche et efficace, en parallèle à la justice classique : c'est la volonté d'une justice simple, rapide, gratuite et équitable, héritière de la Justice seigneuriale de l'Ancien Régime. Les juges de paix avaient pour principale mission de régler les litiges de la vie quotidienne par une démarche conciliatrice : petites affaires personnelles et mobilières, conflits bénins entre particuliers, contraventions de simple police. Un peu comme les "Conciliateurs" d'aujourd'hui.

            Accessible gratuitement, le juge de paix était présent dans chaque canton. De plus, l'accès à la fonction ne nécessitait aucune qualification particulière en droit, mais résultait d'un vote, puis d'une nomination. Dès lors, on retrouve principalement des personnes dotées d'une autorité morale et d'une situation sociale établies. Il était également chargé de tâches administratives notamment la présidence de diverses commissions locales.

            Anecdote: Juin 1793, le général Loison, natif de Damvillers, qui n'a que 22 ans, s'empare de la célèbre abbaye d'Orval. Avec ses troupes et tous les habitants des villages environnants d'ailleurs, il se livre au pillage de ses richesses.

            Des voitures chargées de tonneaux de vin, de cire et d'objets précieux prennent le chemin de Damvillers pour déposer leur chargement chez le citoyen Loison, père du général et maire de Damvillers ainsi que dans le village d'Ecurey.

            Le citoyen Henry Lardenois est accusé par le tribunal du district de Montmédy d'avoir bénéficié, notamment : d'un aigle de cuivre doré et d'environ quarante livres de cire, tant cierges jaunes que bougies faisant partie des dits effets.

            Cependant, grâce à ses appuis, l'affaire resta sans conséquences.

            Autre anecdote: Taxé de "sans-culotte", il dénonce (16 décembre 1793) au comité de surveillance de Dun les propos tenus, en sa présence, par Jacques  Colin <<le jeune>> de Murvaux, soupçonné d'être un émigré: "Il s'est permis de nous dire avec plaisir que les troupes des escalves (esclaves) du Tiran d'Autriche s'assembloient sur les frontières pour venir assaillir les patriotes français ainsi que les républicains et que dans peu les sans-culottes et nos frères du comité de Dun nous et les autres seroient bientôt assaillis arrêtés et traités comme nous le méritons et que tous les membres de ses différentes associations seroient bientôt punis de leur forfait".

            Quelques mois plus tôt, fidèle à son ardeur révolutionnaire, Henri Lardenois a participé avec plusieurs habitants de Damvillers, comme nous l'avons signalé plus haut, au pillage de l'abbaye d'Orval. Ses convictions s'accommodent sans doute difficilement de la contradiction. En invitant le comité de Dun à dénoncer Jacques Colin au comité de Murvaux, Henry Lardenois déclare qu' "il importe de prévenir et d'arrêté de telles insinuations pouroit que devenir que très funeste à la patrie saine et majeure de la République". Les propos prêtés à Jacques Colin n'étaient-ils pas sincères ? Ne traduisaient-ils pas un rejet profond du régime républicain ? Le comité de surveillance de Murvaux se voit obligé de procéder le 26 frimaire (16 décembre 1793) à l'interrogatoire de Jacques Colin, boucher et vigneron, âgé de 36 ans. Le 12 nivôse an II (Ier janvier 1794), lors de son interrogatoire effectué par le gendarme Michel, Jacques Colin déclare << n'avoir jamais rien dit contre la République>> et se trouve remis en liberté. Pourtant , le 18 messidor an II (6 juillet 1794), le comité de surveillance de Murvaux est saisi par le citoyen agent national du district de Montmédy pour << savoir si lorsque Jacques Colin a tenu ces propos qu'ils (les témoins) disent lui avoir entendu tenir s'il était en état d'ivresse >>. Les témoignages hostiles à Jacques Colin sont consignés dans le registre du comité de surveillance de Murvaux à la date du 21 messidor (8 juillet 1794). Les paroles d'un habitant d'Ecurey, âgé de 29 ans, Pierre Létu, rapportant les propos entendus alors qu'il était invité à diner chez Jacques Colin sont identiques à celles de Henry Lardenois et sont également corroborées par le second témoin, Nicolas Richard, vigneron à Ecurey, âgé de 37 ans, également présent à ce diner en frimaire: <<Jacques Colin a dit que les satellites des tirans d'Autriche s'assembloient sur les frontières pour assaillir les fonctionnaires publiques et les comités de surveillance et qu'ils seroient punis de leur forfait >>. Les deux premiers témoins ajoutent cependant que Jacques Colin avait bu du vin. Le récit de Catherine Warin, épouse d'un laboureur de Brandeville, qui accompagnait les témoins précédents et Henry Lardenois chez Jacques Colin est plus favorable à l'accusé: << Elle avait entendu Jacques Colin qui venait de Marville et qu'il avait appris que les Impériaux s'attroupaient aux environs de la Malemaison (La Malmaison près d'Allondrelle), pour venir ravager le pays ci et qu'il dit ça avec un air peiné que si cela étoit que tout le monde aurait bien du mal >>. Les troupes autrichiennes s'étaient effectivement massées aux abords de cette localité frontière, où elles se heurtèrent aux troupes françaises en octobre. enfin le comité de surveillance de Murvaux prend en compte le témoignage d'un marchand du village, Jean-François Chevalier, qui tend à discréditer le dénonciateur également sous l'influence de la boisson: << Le citoyen Henry Lardenois d'Ecurey est venu lui demander du papier pour écrire une dénonciation contre Jacques Colin accompagné chez Antoine Barucant où le dit Lardenois s'étoit à boire avec les citoyens Létu et Richard demeurant à Ecurey, qu'étant là  il avait remarqué que ces trois individus avoient un peu d'humeur >>.

            Un peu plus loin: Henry Lardenois est lui-même mis en arrestation, "comme soupçonné d'émigration", avant d'être remis en liberté sur décision du représentant du peuple Charles Delacroix, prise à Montmédy le 24 fructidor (10 septembre 1794), en même temps que Jacques Colin, victime de la dénonciation. Dénoncé par le comité de surveillance d'Ecurey dès le 8 pluviôse an II (27 janvier 1794), Henry Lardenois à été destitué de sa fonction de juge de paix, par décision du représentant de mission Mallarmé du 11 germinal an II (31 mars 1794), sur la considération qu'il "a perdu la confiance publique" et que "ce particulier est un furieux".

          ... Finalement Jacques Colin, fut disculpé, mais l'on peut, à la lecture de se récit, se faire une idée de l'ambiance qui régnait dans nos villages à cette époque...(Tiré du bulletin des sociétés d'histoire et d'Archéologie de la Meuse, n° 44-47, p, 227, 228 et 232, article de Luc Oreskovic).                                                                                                                                                                      

 

LARDENOIS Jean Pierre Quentin

Lardenois 1 Lardenois j p quentin
Colonel Jean-Pierre Quentin Lardenois 1788-1876

 

Sa vie:

          Colonel de la garde municipale de Paris, il est né à Ecurey le 30 octobre 1788, mort au même lieu le 3 avril 1876. Il était fils de Henri Lardenois, marchand, et de Barbe Laminette; incorporé aux fusiliers chasseurs de la garde impériale le 20 novembre 1808 comme conscrit de la même année, il fit les campagnes de 1808-1809 en Espagne (fin de 1809 en Autriche) et passa comme sergent au 1er régiment de voltigeurs de la garde impériale le 1er avril 1811, fit les campagnes de 1810 et 1811 en Espagne et celle de 1812 en Russie.          Nommé sergent-major le 10 avril 1812, il fut blessé d'un éclat d'obus à la tête, d'un coup de sabre sur le nez, d'un autre coup de sabre sur le derrière de la tête le 17 novembre 1812 à Krasnoë (Russie). Sous-lieutenant 8e régiment de voltigeurs de la garde impériale le 8 avril 1813, il reçu un coup de sabre sur le pouce de la main droite le 27 août 1813, à la bataille de Dresde. Lieutenant adjudant-major le 14 septembre et capitaine le 20 novembre 1812, il passa comme capitaine au 37e de ligne le 4 août 1814, fit la campagne de Belgique en 1815 et fut licencié le 1er novembre 1815. Capitaine de la légion des Deux-Sèvres le 5 août 1817, capitaine adjudant-major le 28 juin 1819 à la légion départementale du Haut-Rhin, devenu 35e de ligne, il fit les campagnes d'Espagne de 1823 à 1825 et reçu un coup de feu le 13 avril 1823 à la prise de Guetana (Espagne). Passé dans la garde municipale de Paris le 17 août 1830 et comme chef d'escadron quelques jour après, il fut mis à l'ordre du jour comme s'étant distingué dans les journées des 13 et 14 avril 1834. Nommé lieutenant-colonel chef de la 23e légion de gendarmerie le 5 juillet 1840, il rentra à la garde municipale le 27 août suivant, fut nommé colonel le 16 avril 1842 et admis à la retraite le 27 mai 1849.

            Le colonel Lardenois avait été décoré de la légion d'honneur le 11 avril 1814, nommé officie le 1er mai 1831 et commandeur le 24 avril 1847. Il avait été fait chevalier de Saint Louis, par Charles X, le 30 novembre 1829. 

            Il est également titulaire de la médaille de Sainte-Hélène. La médaille de Sainte Hélène, créée par Napoléon III, récompense les 405000 soldats encore vivants en 1857, qui ont combattu aux côtés de Napoléon 1er .

            A la retraite, à Ecurey, il retrouve ses sœurs Anne-Marie-Françoise-Victoire (épouse en 1807 de Jean-Baptiste Péchenart) et Marie-Josèphe dite la "Providence des pauvres".

           

LARDENOIS Charles François Henry

  

Lardenois c f henry

 

            Le général de brigade Charles-François-Henry Lardenois ( 1830 - 1883 ), fils du colonel J-P-Q Lardenois.

A sa sortie de  Saint-Cyr il sert comme officier de cavalerie, d'abord en Afrique où il est blessé en 1864, puis dans l'armée du Rhin en 1870. 

            Il prend part alors à plusieurs batailles dont celle de Gravelotte qui le marque profondément.

            Il sert ensuite sous les ordres du général Chanzy.. 

            Promu général de brigade à 52 ans, il pouvait légitimement espérer poursuivre une brillante carrière dans le domaine militaire voire politique.

            Mais sa mort soudaine mit fin à toutes ses espérances. Il se suicida.

            Il repose auprès des siens dans le caveau familial, près de l'église d'Ecurey.

 

            Ci-dessous quelques articles de presse, d'époque, le concernant:

            13 avril 1877: Ecurey: on nous écrit:

            La population d'Ecurey a été témoin le jour de Pâques et le dimanche suivant des premiers et heureux succès de l'Orphéon établi depuis quelques mois dans cette localité. Les jeunes musiciens, en présence d'un auditoire nombreux, ont exécuté pendant les offices, les chants de cette fête avec un ensemble admirable. Dimanche dernier, ils ont eu l'honneur de reconnaître, à la suite de l'exécution de morceaux choisis, M. Lardenois fils, aussi enfant d'Ecurey, et colonel au 6° chasseurs, pour président honoraire de leur société. Le colonel a été heureux de constater les succès de ses protégés et leur en a adressé les plus vives félicitations ainsi qu'à l'infatigable M. Drouet, leur chef de musique. Après quoi, ils sont allés, par des morceaux variés, rendre hommage aux membres honoraires de leur société. Cette brillante journée s'est enfin terminée dans la soirée par une splendide retraite aux flambeaux, au son de la musique instrumentale et aux acclamations de toute la population et de celle des villages voisins. (Journal de Montmédy)

            Vendredi 8 mars 1883: Nous trouvons dans le Petit Nord, les détails suivants sur le suicide du général Lardenois qui comme on le sait a longtemps commandé le 6° Régiment de chasseurs en garnison à Sedan.

            La ville de Valenciennes, en ce moment est profondément émotionnée par la nouvelle du suicide du général Lardenois, commandant la brigade formée  par le 14° et 16° dragon.

            Lundi dernier, le général s'était levé de bonne heure, comme à l'ordinaire, il paraissait gai et dispos. A peine était-il habillé qu'un domestique vint le prévenir que son maître d'armes était là.

            - Dites lui d'attendre, je descends, répondit-il, et il acheva la lecture de son courrier.

            Comme au bout d'une demi-heure, le maître d'armes ne l'avait pas vu paraître, il s'informa à nouveau si le général était prévenu de son arrivée.

            Mademoiselle Lardenois ouvrit alors la porte du cabinet de son père et trouva celui-ci étendu sur le tapis, serrant encore dans sa main lacrosse d'un révolver. Il s'était frappé lui-même d'un coup de feu à la tempe.

            Aux cris poussés par la pauvre jeune fille, on accourut et on releva le général.

            Les soins qui lui furent prodigués ne purent le ranimer; le médecin-major du 14° dragon ayant déclaré, du reste, que la mort avait été foudroyante.

            On se perd en conjecture sur les causes de la funeste détermination du général Lardenois. On croit à un accès de fièvre chaude.

            On sait que le général Lardenois avait commandé en qualité de colonel le 6°régiment de chasseurs actuellement en garnison à Saint-Mihiel.

            Nos lecteurs se rappellent sans doute que le général Lardenois qui vient de mourir si malheureusement était d'Ecurey, canton de Damvillers, par sa famille. Son père était colonel de la garde municipale sous Louis-Philippe. M. le général n'avait que 52 ans.

            La fatalité semble peser sur les anciens chefs du 6° régiment de chasseurs à cheval. Le général Ney d'Elchingen , qui commandait ce régiment avant Monsieur Lardenois, a déjà eu une fin aussi tragique. On nous assure également qu'un autre officier supérieur du même régiment a péri dans les mêmes conditions, ceci sous toutes réserves.

            Monsieur le général Lardenois à qui le présent et l'avenir souriaient était profondément religieux. Il y a là une raison de plus pour n'attribuer sa fatale et subite détermination qu'à un transport du cerveau.

            11 mars 1883: ECUREY (près de Damvillers). - On nous écrit: Le corps du général Lardenois a été ramené aujourd'hui jeudi à Ecurey, et il sera inhumé demain dans le caveau de famille, immédiatement après la célébration d'un service funèbre qui aura lieu à onze heures.

            On sait que le général de brigade Lardenois était originaire d'une ancienne famille de notre commune.

            Il avait puisé à son foyer le goût du métier militaire. Son père s'était illustré dans les campagnes du premier Empire: en 1868, il était commandant de la garde municipale de Paris, et contribua pour une grande part au rétablissement de l'ordre.

            Le général Lardenois entra de bonne heure à Saint Cyr: à sa sortie de l'Ecole, il fut envoyé en Afrique, prit part à plusieurs combats, et conquit en peu de temps ses épaulettes de capitaine. En 1870, il faisait partie, en qualité de lieutenant-colonel, de l'armée du Rhin: il assista à plusieurs batailles et notamment à celle de Gravelotte.

            Depuis six mois à peine il venait d'être nommé général de brigade. Un brillant avenir s'ouvrait dons devant lui. Il n'avait en effet que 52 ans.

            Hélas! pourquoi faut-il qu'une catastrophe vienne encore priver la France d'un de ses plus ardents défenseurs! Depuis quelques temps, les personnes qui vivaient dans l'intimité du général s'apercevaient que, par moments, son moral se troublait et ne pouvait réagir contre des impressions particulièrement pénibles pour un soldat.

            La mort du général Chanzy, auquel il était uni par des liens d'étroite amitié, l'impressionna vivement. D'autres circonstances achevèrent de l'ébranler!

            On ne pouvait cependant, à cause des principes chrétiens du général Lardenois, prévoir le terrible événement qui est venu plonger dans le deuil les officiers et soldats sous ses ordres, les nombreux amis qu'il compte dans l'armée, et enfin tous les compatriotes qui s'intéressaient à sa fortune militaire. Peu d'instants encore avant de mourir, le général Lardenois tournait ses regards vers Dieu et invoquait pour lui et pour les siens sa protection.

            En achevant ces lignes, nous voulons nous associer de toute notre douloureuse sympathie au deuil qui frappe si inopinément Mme la générale Lardenois, son fils, actuellement élève à Saint-Cyr, sa fille et sa sœur que nous appelons dans notre commune la Providence des pauvres. Nous n'oublions pas non plus que le général Lardenois était pour la famille de M. Péchenard, notre concitoyen, tout à la fois un parent et un ami, c'est dire que nous partageons aussi tous les pénibles regrets qu'elle éprouve. (L'Echo de L'Est).

            Mardi 13 mars 1883: Le corps du général Lardenois a été ramené jeudi et il a du être inhumé dans le caveau de famille. (Journal de Montmédy).

            28 mars 1883: La vérité sur la mort du général Lardenois

            Sous ce titre, " le Courier des Ardennes", publie l'article suivant:

            Nous avons rapporté ici la mort du général Lardenois qui commandait une brigade de cavalerie à Valenciennes.

            Le général, on le sait, a mis fi  à ses jours en se tirant un coup de pistolet. Mais cet étrange suicide est passé presque inaperçu dans le tohu-bohu des événements chaque jour grossissants, qui saisissent en quelque sorte le public au collet.

            Il n'est pas inutile, néanmoins de revenir sur cet incident dont les causes n'ont pas  été révélées. Le général Lardenois a, du reste, fait un assez long séjour dans les Ardennes, en qualité de colonel du 6e chasseur à cheval lorsque ce régiment tenait garnison à Sedan, pour que sa mort ait à la foi surpris et affligé beaucoup de nos lecteurs. Ceux-ci nous sauront presque gré de leur dire que le mystère qui enveloppe le suicide du général n'est pas de ceux dont l'amitié, même la plus scrupuleuse, répugne a soulever les voiles.

            La vérité, hélas! puisqu'il faut la dire, c'est que cet excellent officier s'est tué de dégoût.

            Patriote ardent, soldat jusqu'aux moelles, pénétré au plus haut point des sentiments militaires qui se formulent en ces deux mots: honneur et discipline, le général Lardenois avait subi une terrible épreuve en 1870 lors de la capitulation de Metz. Il n'était alors qu'officier supérieur de cavalerie, chef d'escadron de l'armée du Rhin, mais le pitoyable sort échu à cette magnifique armée avait néanmoins exaspéré cette nature impressionnable et sensible à l'excès. Le coup fut tel qu'un accès de folie s'ensuivit. Nous n'exagérons pas.

            Nous tenons ces détails de la famille même de l'infortuné général, et nous serons de ses dires un écho plus fidèle et plus précis encore en ajoutant que sous l'empire de ces troubles cérébraux, le malade eut l'étrange manie de se croire officier prussien.

            Un traitement vigoureux eut raison de cette fiévreuse exaltation: le commandant Lardenois guérit assez rapidement; il ne resta de sa maladie qu'une très grande irritabilité nerveuse dont ses subordonnés eurent quelquefois à souffrir, sans lui en vouloir, car on le savait, avant tout inspiré jusqu'au fond du cœur par le bien du service.

            Il avait, disaient les officiers du 6e une prédisposition à se faire de la bile à propos des moindres détails de son commandement régimentaire; il restait juste en frappant quelquefois un peu fort; mais il n'avait point ce laisser aller soldatesque, ce débraillé trivial qui distinguait son prédécesseur à Sedan, le malheureux colonel Ney d'Elchingen mort lui aussi, dans des conditions tragiques mais pour des motifs moins clairement pénétrables.

            Ce qui a armé le bras du général Lardenois c'est une passion aussi; c'est le sentiment passionné de la solidarité militaire.

            Les derniers actes du ministère, ou, pour parler plus exactement, les premiers actes du nouveau ministre de la guerre et, d'abord le choix du général Thibaudin pour occuper le poste suprême, ont, derechef, surexcité cette conscience de soldat et altéré la rectitude farouche de cet esprit tout d'une pièce, incapable d'accepter les accommodements avec l'honneur militaire et des transactions entachées de duplicité.

            Ce dernier coup, le général Lardenois ne pu le supporter. Il a vu dans ces décrets misérables signés d'un nom que le scrupuleux honneur militaire a frappé d'une tare, une atteinte à l'honneur même et aux prérogatives les plus chères de l'armée toute entière. Quelques jours avant de mourir, en proie à cette obsession douloureuse, il écrivait à sa femme: << Je souffre trop pour continuer à vivre ainsi. >> Déjà sa main fébrile cherchait l'arme fatale, comme le seul remède aux souffrances morales qu'il éprouvait...

            Quant on a subi Metz; quand par respect de la parole donnée au vainqueur, on a assisté captif et frémissant à l'agonie de l'armée et à la mutilation du pays; quand brisé par cette épreuve, on est retombé fou de douleur sur son lit de camp, au point de ne plus reconnaître ni sa femme ni ses enfants, on a peut-être un peu le droit de s'étonner que l'écharpe blanche du commandement supérieur soit nouée sur la poitrine d'un parjure et que le portefeuille de la guerre devienne en quelque sorte le salaire d'une forfaiture.

            Et chez un officier de cette trempe, le désespoir a bien le droit de s'ajouter à la surprise, quand la première signature consacre le viol des épaulettes les plus dignement et les plus vaillamment portées.

            Bien que sa blessure fût mortelle, il ne mourut pas sur le coup; avant de rendre le dernier soupir, il eut la force de demander un prêtre et de réclamer l'absolution de son suicide.

            Certes, si l'exaltation qui arme le bras de l'homme contre lui-même est pardonnable, au regard de la morale éternelle, n'est-ce pas pour ce soldat désespéré qui semble jeter l'anathème de sa mort aux hontes de ce temps?

            

           

 

 

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