Michel BERTRAND

 

 

 

Michel Bertrand

(26 mai 1928 - 17 avril 1999)

 

Créateur et restaurateur d´automates mécaniques

par Rose-Marie FLICK

 

 

 

 

Après la présentation des destinées passionnantes et prestigieuses de l´Abbé Rouyer et du Général Pol Dupuy dans nos précédentes gazettes, voici celle du fabuleux destin d´un autre enfant du Pays. Une personnalité chaleureuse et talentueuse, grâce à laquelle nous allons, cette fois, entrer dans le monde merveilleux et mystérieux des automates mécaniques.

 

Tout près de l´église de Lissey (une ruelle sépare la maison familiale des hauts murs de notre église) est né le 26 mai 1928 et a grandi au son des cloches, dont l´une porte d´ailleurs le nom de sa maman, un artiste dont le village peut-être fier.

 

« Toute son existence, il a donné vie à l´imaginaire, aux rêves et à la poésie » (extrait d´un article du journal de Sainte-Croix, Suisse).

 

Il s´agit de Michel Bertrand.

À première vue, rien ne prédestinait Michel à devenir un tel artiste. Petits exploitants, ses parents, Léon et Florine Bertrand vendaient les produits de leur récolte sur le marché de Verdun. Sauf qu´en y réfléchissant certains se souviendront fort bien des beaux reposoirs façonnés par Madame Bertrand et disposés le long des rues du village pour la procession de la Fête-Dieu. Ils se rappelleront qu´elle les animait, en donnant des rôles aux jeunes filles du village : un goût certain pour la mise en scène. Ils auront aussi devant les yeux, les mottes de beurre artisanales joliment décorées par ses soins et ses travaux de crochet.  Ainsi, Michel a certainement hérité de ses talents.

 

Et déjà à l’école, il préférait le dessin à la dictée. Marc Richard se souvient de son camarade : « Michel ornait de petits animaux chaque début de phrase, au grand désespoir de l´instituteur, Monsieur Henri. Celui-ci se faisait du souci, mais il a très vite compris que son élève avait l´intelligence des doigts ». Michel rêve, il dessine et il façonne. Chaque grosse pomme de terre, chaque morceau de bois est prétexte à une création.

 

 

 

Comme on peut le voir sur cette photo, Michel enfant avait déjà des dispositions

pour la création et en particulier le maquettisme

 

          Marc; << Nous avions fait notre service militaire et repris nos activités, dans les champs et les chènevières. Un jour, que nous gardions les vaches, nous avons trouvé une écorce de peuplier et nous nous sommes mis tous les deux, à sculpter. Michel ébaucha ce jour-là un magnifique phare, qui, une fois terminé, attira les foules ». Première notoriété locale…Naîtront sous ses doigts deux très belles maquettes en bois de l´Église de Lissey et de l´Ossuaire de Douaumont. Il montre ses œuvres avec fierté, tout en faisant déjà la remarque, que « ces monuments ne bougent pas ». Michel cherche autre chose, il trouvera sa voie. Et puisque ses talents semblent être reconnus, il va s´y consacrer pleinement.

 

Pour avancer, il lui faut élargir son horizon. Courageux, à 25 ans Michel partira pour Paris. Il y logera dans une petite chambre de bonne : la vie à Paris n´est pas facile, mais elle a du bon. On se fait des amis et l´amour aidant, tout devient plus supportable. Les monuments, en particulier l´Église du Sacré-Cœur, fascinent Michel et Jacqueline. Cette dernière deviendra sa femme en 1957. Elle est aussi du Pays, fille aînée de Léa et Pol Dupuy. Avec ingéniosité, Michel réussira de ses mains à rendre leur nid confortable. Un véritable petit palais ! Et à force de travail et de talent, il trouvera une place chez un maquettiste (où il participera à la maquette de l´avion supersonique Concorde) puis dans une des plus grandes maisons, chargées de décorer les vitrines des grands magasins de la Capitale. Boîte ancestrale (Vichy devenue JAF), qu´il rachètera au bout de quelques années ! Il se retrouve alors à la tête d´une mine de trésors en papier mâché, mais il reste persuadé que les automates électriques, qui envahissent le marché, ne seront jamais aussi féeriques, que ses automates mécaniques.

Michel abandonne donc les vitrines du Grand Paris à leur triste sort et se met, fin des années 60, à son compte. Il est installé à Malakoff, aux portes de Paris. C´est dans ce nouveau cadre que Michel pourra s´adonner pleinement à sa passion et prendre la mesure de son génie. Entouré de sa femme et de ses enfants, Frédéric et Micheline, il travaille 12 heures d´affilée, 7 jours sur 7 dans son « cabanon ». Jacqueline, femme d´une grande beauté, cultivée et déterminée, joue le rôle de « muse » et de « manager ». Elle se charge des relations avec les clients, qui sont souvent des personnalités de tout bord, elle est conseillère, secrétaire, chauffeur. Ainsi soutenu, l´artiste peut se consacrer pleinement à sa passion, à ses œuvres. Une de ses premières grandes réalisations sera la restauration de la collection de Mme de Galéa, à Monaco. Très vite, il sera reconnu pour ses propres créations : Oscar, poupée du ventriloque Jacques Courtois, maquette de Nicolas et Pimprenelle, oiseaux chanteurs chatoyants, automates mécaniques fascinants. Naîtront ainsi son premier Pierrot écrivain, si poétique, ses premières ballerines, si enchanteresses, ses premiers clowns, si drôles et si agiles. Tout bouge autour de lui ! C´est un véritable maître, qui donne vie à des figures en porcelaine, plâtre et carton. Déjà au-delà des frontières les professionnels lui font signe. Charlie Chaplin le charge de construire un automate sur des rails, ange ailé à l´effigie de sa fille Géraldine, survolant Londres. Le film ne se fera pas, mais la visite de Michel au Manoir de Corsier-sur-Vevey restera pour Michel un instant inoubliable. Le maître des lieux, pourtant avare de compliments, ayant été pleinement satisfait de son travail.

 

 

Quelques unes de ses créations

 

 

 

 

 

 

 

Évènements, émotions, commandes se succèdent. Grande récompense hebdomadaire d´une semaine de labeur : une matinée au Marché aux Puces, Porte de Vanves. Instants précieux qui permettent d´extraordinaires découvertes, utiles à son inspiration (vieilles poupées, vieux tissus) et surtout l´achat de petites voitures de collection pour son fils Frédéric, avec lequel il partage une grande complicité.

À cette époque, la famille Bertrand passe toutes les grandes vacances en Suisse, à l´Auberson, canton de Vaud. Et elle s’installera définitivement en 1974 à Bullet, près de Sainte-Croix : au coeur de la fabrication ancestrale des boîtes à musique, qui accompagnent les mouvements des automates de Michel. Son atelier deviendra très vite une « caverne d´Ali Baba » : un enchantement et un émerveillement de chaque instant pour les visiteurs. À perte de vue sont suspendues des têtes en porcelaine et en plâtre. Les corps en carton ne sont pas loin. Des tiroirs entrouverts nous observent des milliers de paires d´yeux en verre scintillant. Des dizaines de mécaniques sont déjà inventées, étudiées, préparées. Quelle ingéniosité ! Quelle habileté ! C´est dans cet endroit magique, avec vue sur les Alpes, qu´il travaille habillé de sa blouse bleue, avec un acharnement et un engouement qui s´expliquent tout simplement par l´amour de son Art.  Et s´il met le nez dehors, sur le « Balcon du Jura » vaudois, c´est pour débroussailler le terrain en été ou pour balayer la neige, qui lui cache le paysage en hiver et isole le chalet familial, (situé « Chemin des Pierrots », ainsi baptisé en son honneur !), du reste du monde. Mais quelle fierté quand il reçoit ses visiteurs ! Quel bonheur de le voir expliquer, montrer, faire le tour de ses chers trésors ! Il est alors intarissable et s´anime de la même flamme, que celle, qu´il donne à ses œuvres !

La région de Sainte-Croix devient grâce à Michel Bertrand un grand centre connu pour sa fabrication de boîtes à musique et d´automates mécaniques et il y fut l´un des pères du CIMA, Centre International de la Mécanique d´Art, qui fêtera ses 25 ans en 2010. Ce fut à l´époque au tour de sa fille Micheline de promouvoir ses œuvres avec passion. Le succès de Michel et sa renommée continueront de s´étendre dans le monde entier, jusqu´au Japon, où il vendra une très grande partie de sa collection, conservée dans un musée, créé à cet effet. Ses œuvres, à l´origine de maintes vocations, resteront une source d´inspiration et une référence pour ses successeurs.                                                

                        

Ainsi donc, Lissey a réellement vu naître un immense artiste et une personnalité exceptionnelle.

Et Michel Bertrand restera fidèle tout au long de sa vie à son village, à ses racines, en savourant de nombreuses visites au village. Il avait besoin d´y retrouver sa famille, sa maison natale, de parler à ses anciens camarades. Comme un enfant, il aimait y fêter Pâques joyeusement, par exemple.

C´est malheureusement une longue maladie, qui mit fin trop tôt à une vie remplie de travail et de passions toujours renouvelées. C´est ainsi que lui, le « sédentaire », découvrit les voyages pour tourner dans toute l´Europe la manivelle de son orgue de barbarie, entouré d´amis et habillé en costume d´époque et qu´il rassembla une immense collection de dessous-de-plat, notamment en porcelaine de Gien et de Longwy, pour en faire des boîtes à musique !

 

Lors de son décès, le 17 avril 1999, on a pu lire, dans l’hommage qui lui fut rendu : « Les automates pleurent ». Mais privilège de l´artiste et du père, Michel Bertrand continue de vivre dans chacun de ses automates et en nous.

 

Rose-Marie Flick, sa belle-fille

 pour Frédéric, Micheline et son filleul Jean-Claude.

 

 

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Commentaires (5)

1. Denise de Bretagne 23/03/2010

A Frédérique,Micheline,Rose-Marie,

Beaucoup d'émotions,beaucoup de souvenirs! Après tant d'années,je n'ai jamais oublié les moments merveilleux que j'ai passé parmi vous tous,à Malakoff...c'est magnifique d'avoir évoquer le parcour de votre maman et de votre papa avec tant de beauté.Bravo! Amicalement,Denise.

2. Jacques courtois 08/05/2010

Ce n'est pas Michel qui a fait OMER (et non OSCAR) mais par contre c'est lui qui a eu l'idée d'articuler les lèvres d'Omer avec de la très fine peau de chamois, donnant ainsi une vie réelle à mon personnage.
C'est également lui qui a entretenu et restauré ma collection d'automates (vendue depuis dans une vente à Chartres.°
C'était un type extraordinaire comme on a peut la chance de rencontrer dans une vie.

3. Pascal Rouault 23/08/2010

Je suis passé sur cette page par hasard, que de souvenirs.
J'ai été élevé en compagnie de Frédéric et de Micheline, nous devions nous marier ensemble!Promesses de gamins...
Je serais heureux d'avoir quelques nouvelles.
A bientôt, peut être...

4. CONCHE Michel 05/03/2012

Bonsoir
Non pas par hasard mais un peu quand même j'ai cherché sur internet si quelque chose existait sur la JAF.
Mes parents y ont travaillé et gardé l'usine 168 rue Vercingétorix Paris 14 de ~1937 à 1968. Moi même j'y ai vécu de ma naissance 1943 à 1965. J'ai du donc rencontrer Michel Bertrand. J'ai connu Mme Triboulet et aussi M Accursi.
Que de souvenirs des "pièces de fin d'année" et des différents salons à Paris. je lis dans les messages un qui a rapport avec Omer. Je me rappelle étant enfant, de Jacques COURTOIS venant un soir à l'usine, pour visualiser la tête, qui autant que mes souvenirs sont bons a été réalisé par un monsieur MAROT...
Agé de 69 ans j'ai plein la tête de ces souvenirs d'enfance et des noms qui ont animé cette usine ( Hébert, Collemant, Derenne, Torcheux, Morange, Gérard, Melot...)Je ne garantie pas les orthographes.

5. Milly 18/11/2013

Que de souvenirs avec Jacqueline et Michel à Malakoff nous entendions les musiques par notre fenêtre au dessus de son cabanon ma mère tenais l'epicerie ou Jacqueline venait elle était enceinte et notre fils avait 5 ans et l'avait invite à un anniversaire Michel m'a expliqué comment une main en papier dans un moule que cela est loin merci pour ce beau souvenir
Ceci était de 1966 a 1973

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