Monument aux Morts

 

Sous page: cliquer au bas de la page 

          Monument aux morts 2

        

Inauguration du Monument

aux Morts de Lissey 

(Est républicain du 23 septembre 1930)

 

(De notre correspondant spécial)

HONNEUR A NOS MORTS

 

 

            Lissey, commune du ca nton de Damvillers, située au pied des côtes de Meuse, célèbre par son vin renommé, a élevé, comme presque tous les villages français, un monument à la gloire de ses enfants morts pour la patrie.

            L'inauguration a eu lieu dimanche dernier, par un temps gris et une pluie continuelle qui, heureusement , n'ont pas nui à cette belle manifestation du souvenir. Toutes les rues du village, la place, sont pavoisées de drapeaux et décorées de guirlandes et de feuillages. Le monument était orné de fleurs. M. Richard Prosper, son vénérable maire; M. Henry, le dévoué instituteur, la population toute entière, dans un bel élan de fraternité et d'union, avaient eu à cœur de mener à bien cette cérémonie patriotique qui fut pleinement réussie.

            A 10 heures, la messe fut chantée par l'abbé Simon, curé d'Ecurey et de Lissey, ancien combattant, médaillé militaire, assisté des jeunes abbés Collet et Rouyer, fils de morts pour la France. Un magnifique catafalque était élevé au milieu du chœur, sur lequel était placé un casque de poilu.

            A l'issue de l'office, des fleurs et des couronnes furent portées en procession au monument qui fut béni par l'abbé Simon.

            A 11 heures, arrivent M. le sous-préfet Maillard, accompagné de M. le sénateur Lecourtier et M. le député Didry.

            Deux charmantes petites filles, Mlles Georgette Urbain ( sœur de Mme Hénin et belle-mère de Mme Louis) et Hélène Richard, récitent un compliment à M. le sous-préfet Maillard et lui offrent une gerbe de fleurs, que le représentant  du gouvernement dépose au pied du monument.

            La Vigneronne, belle société de musique, dont l'éloge n'est plus à faire, sous l'habile direction de son dévoué  chef Capard, entraînée  par son aimable président Wuilemin, octogénaire, mais vif comme un chasseur à pied, se fait entendre pendant la cérémonie.

            Dans une tribune en face du monument: M. le sous-préfet Maillard, qui préside, entouré de M. le sénateur Lecourtier, M. le député Didry, M. Richard Prosper, maire, M. le colonel Habrant, commandant le 94e R. I. à Bar-le-Duc, enfant du pays; M. Richard Théotime, adjoint; M. André Beauguitte, conseiller général de Montfaucon, l'instigateur de l'automobile postale Dun-Damvillers; M. Bourcier, conseiller d'arrondissement; M. Henry, instituteur, président des A. C.

            Encadrent la tribune les drapeaux des sections d'anciens combattants de Damvillers, Bréhéville, Ecurey, Réville et Peuvillers, avec son président Nivelet, qui nous dit que sa commune ne compte aucun enfant mort dans la grande tourmente.

            Nous avons noté la présence, au hasard du crayon, des maires d'Ecurey, Réville, Bréhéville, Peuvillers; Hurelle, percepteur honoraire; Party, receveur d'enregistrement; Nihoul, agent voyer; Cahart, percepteur; Desard, huissier; Briard, Brion, Mahut, Daumail, instituteurs; le lieutenant Bézéglier, commandant la gendarmerie de Montmédy; le maréchal des logis-chef Parisot et les gendarmes de Damvillers; Richy, brigadier des eaux et forêts et toute une belle lignée d'enfants de Lissey; le colonel Habrant, déjà cité; Duchêne, professeur du lycée d'Haguenau; Génin, professeur agrégé du lycée d'Oran; Mercier, ingénieur I. E. N., à Nancy; Richard, adjoint technique des ponts et chaussées; Pétrement et Richard Emile, instituteurs; Dupuy, sous-lieutenant au 16e bataillon de chasseurs à pied, à Metz; Quintallet et Ascélipiade, des usines d'Amermont et Joeuf.

            Après un discours circonstancié, M. Henry, président des A. C., procède à l'appel toujours émouvant des dix-huit enfants de Lissey tombés au champ d'honneur, et d'une personne civile tuée par les Allemands.

Très ému, M. Richard Prosper prononce le discours suivant: 

 

DISCOURS  DE  M. RICHARD Prosper

Maire de Lissey

 

            Au nom de la population de Lissey, je veux d'abord remercier les personnalités qui ont bien voulu venir aujourd'hui, avec nous, rendre l'hommage de leur piété fervente et de leur gratitude infinie aux enfants de Lissey morts pour la France.

            Merci à M. le sous-préfet, représentant officiel du gouvernement de la République Française, d'avoir bien voulu accepter la présidence de cette belle et touchante cérémonie. Nous sommes heureux de saluer en lui un fils du pays, descendant d'une famille aimée et honorée parmi nous.

            Merci à M. Lecourtier, sénateur, et M. Didry, député, nos dignes représentants, vrais Meusiens, fiers Lorrains, qui ont bien voulu accepter la présidence d'honneur de notre fête locale.

            Merci aux représentants du canton, à MM. Les maires et à MM. Les combattants des communes voisines et amies, merci à tous nos invités.

            Au nom de la commune de Lissey, et en qualité de son premier magistrat, je prends possession de ce monument élevé en l'honneur de nos enfants qui sont morts pour le salut de la patrie.

            Mon grand âge et l'émotion profonde que je ressens au souvenir des heures tragiques de cette guerre affreuse et au rappel des noms de ces braves enfants de Lissey morts à la fleur de l'âge, ne me permettent pas de faire un long discours. Je vous prie de m'en excuser.

            Quand par la pensée, je retrace les jours terribles de la mobilisation, le départ calme et digne de nos enfants, mon cœur se serre...

            Au printemps 1919, nous avons réintégré l'un après l'autre nos ruines.

            Hélas ! dix-huit des nôtres manquaient à l'appel. Vide terrible... Nous nous sommes remis au travail; nos maisons sont réparées, nos champs cultivés, nos vignes en partie reconstituées et nous seront fiers d'offrir à nos invités du bon vin de Lissey.

            Nous pouvons être fiers de notre petit village. Lissey a payé un lourd, très lourd tribut à la guerre. Beaucoup de ses enfants sont morts en héros, les autres ont bien travaillés.

            Pour terminer, j'adresserai quelques paroles de réconfort aux familles si cruellement éprouvées, aux vieux parents, aux veuves, aux orphelins de la guerre. Ceux qui ont le plus souffert ont droit au respect, à la gratitude, à la reconnaissance de tous.

            Héros de Lissey,

            Victimes civiles,

            Morts de la grande guerre,

            Tous martyrs d'une cause sacrée, c'est à vous seuls que je veux penser en terminant. Vous avez donné votre vie pour notre indépendance, pour notre liberté.

            Notre bonheur présent est fait de votre sacrifice.

            Au nom de toute la population, je vous crie notre infinie reconnaissance et je vous fais ici le serment que nous ne vous  oublierons jamais!

 

 Après M. le maire, M. Bourcier, conseiller d'arrondissement du canton de Damvillers, dit en substance:

 

            << Mes premières paroles seront pour excuser M. le docteur Maillard, notre vénéré conseiller général, qui se faisait, il y a quelques jour encore, un plaisir de se trouver au milieu de vous aujourd'hui, et qui, à son grand regret, se voit obliger de garder momentanément la chambre par suite de son état de santé.

            En son nom et au mien, qu'il me soit permis de venir rendre hommage à la mémoire des victimes de la guerre de Lissey et de renouveler à leurs famille, dont quelques unes si rudement éprouvées, nos sincères condoléances...>>

Il termine en souhaitant que les délégués réunis en ce moment à Genève trouvent les moyens d'empêcher la guerre à tout jamais.

 

DISCOURS  DE  M.  RICHARD  Théotime

Adjoint au maire de Lissey 

            << Tous,  nous regrettons l'absence de votre bon père, M. le docteur Maillard, qui s'était toujours promis d'être des nôtres en ce jour, car depuis plus d'un demi-siècle, il vit parmi nous.

            Comme docteur, il a apporté à nos parents et à nous le fruit de son travail et de sa science, avec courage et dévouement.

            Comme conseiller général, le doyen du conseil général de la Meuse et vice-président de cette assemblée, tous ceux et celles qui ont frappé à sa porte, avant, pendant et après-guerre, pour faire appel à son dévouement et à ses bons services, ont toujours été accueillis avec la bienveillance et la bonté qui le caractérisait.

            M. le sous-préfet, nous formons pour votre bon père nos meilleurs vœux de bonne santé.>>

  

Commandant le 94e régiment d'infanterie, à Bar-le-Duc, enfant du pays

Lieutenant-Colonel  HABRANT

 

    C'est avec un très grand empressement que je me suis rendu à l'aimable invitation que mon vieil ami, M. Richard Prosper, maire de Lissey, m'a adressé au nom des habitants de la commune.

          Il y aura tantôt trente-quatre ans qu'un beau matin de mai, alors que tout dans le village était encore plongé dans le sommeil, je m'acheminais, accompagné de mon père, portant ma petite valise, vers la gare de Vilosnes... vers ma destinée.

          En suivant le sentier des vignes, je me retournais fréquemment, voulant emporter dans mes yeux et dans mon cœur l'image la plus récente de ce que je laissais ici de plus cher: celle de ma mère qui me suivait du regard jusqu'au bout; celle de mon village dont le clocher disparaissait peu à peu, masqué par le pli de terrain qui précède le village du côté d'Ecurey.

          J'avais le cœur bien gros, mais j'emportais avec moi un viatique puissant: la foi la plus absolue en l'avenir et le désir ardent de me montrer digne de mon pays.

          Au cours de ma carrière déjà longue, les péripéties de la vie militaire m'ont transporté un peu partout, dans le Nord et le Midi, à l'Est et à l'Ouest.

          Cependant, nulle part, je n'ai trouvé un lieu dont la vue m'ait autant réjoui que celle de notre cher Lissey, un lieu où j'ai autant souhaité de demeurer toute ma vie, tranquille et heureux. Je ne suis pas le seul à garder le culte de notre petit village natal; tous ses enfants tiennent à venir s'y réconforter, à y puiser une nouvelle force, toutes les fois qu'ils le peuvent et, en dégustant son petit vin gris, ils laissent éclater bruyamment leur joie.

          Il est si gentiment niché, notre Lissey, dans un léger vallon, au flanc des Hauts-de-Meuse, autrefois garnis de beaux vignobles et couronnés de jolis bois verdoyants.

          Vraiment, je ne connais pas de promenade plus gaie, plus attrayante que celle vers notre Châtelet, d'où l'on découvre la plaine fertile de la Woëvre, avec les taches sombres de ses forêts, jusqu'au riche bassin de Briey, aux hautes cheminées fumantes.

          C'est toujours avec une émotion qui me trouble jusqu'au fond de l'âme que je refais cette promenade favorite et que je contemple à mes pieds notre vieux clocher qui semble se pencher avec une affectueuse sollicitude vers les foyers pelotonnés autour de lui, comme les poussins autour de leur mère.

          Aussi je comprends que pour le défendre, pour défendre notre Lorraine et notre patrie, la douce France, tous ses enfants se soient dressés comme un seul être pour barrer la route à l'envahisseur.

          Vers la mi-octobre 1918, lors des coups de bélier puissants et répétés du maréchal Foch, l'Allemand dut abandonner Lissey, sous la pression des Américains.

          Vous le savez mieux que moi.

          Jour par jour, pendant longtemps, les réfugiés avaient espéré la délivrance, attentifs à la lecture des communiqués, puis de guerre lasse, résignés mais avec confiance, malgré tout, ils s'étaient établis dans le coin de France où le hasard de l'évacuation les avaient dirigés.

          Hélas ! nombreux étaient ceux qui ne devaient point revoir leur cher Lissey. Ma chère mère est de ceux-là, vous le savez.

          Quelques-uns, n'ayant pas voulu abandonner leurs biens, étaient demeurés au pays. Bien peu y sont restés jusqu'au bout, la plus grande partie ayant été rapatriée ou emmenée dans des régions plus en arrière ou dans des camps de concentration en Allemagne.

          Parmi ceux-là aussi, certains sont morts loin de leur pays, sans parents, parfois sans amis.

          Mon cher père est un de ceux-là, vous le savez également.

          Pendant cette période interminable de souffrance et de lutte atroce, je pourrais dire parfois de lutte au couteau, quelle était l'existence de nos chers soldats de Lissey

          Vous imaginez-vous mes chers amis, dont beaucoup parmi vous n'ont pas connu la vie anxieuse de nos combattants, la somme de volonté, d'énergie et d'abnégation, la grandeur d'âme que chacun a dû déployer ?

          Pensez-y souvent, pensez-y toujours et n'oubliez jamais la reconnaissance infinie qui leur est due. Apprenez à vos enfants dès qu'ils peuvent comprendre, les noms des héros qui sont tombés pour eux. Que ces noms soient gravés, non seulement dans la pierre de ce monument qui s'effritera avec le temps, mais surtout dans les cœurs sans cesse renouvelés et revivifiés des habitants de Lissey.

          La guerre est une chose horrible, effroyable. C'est le plus grand fléau qui puisse s'abattre sur un peuple. Il faut penser à cela, ne pas oublier le passé, pour apprécier les douceurs de la paix.

          Ceux de qui nous honorons aujourd'hui la mémoire, étaient tous de braves gens, ardents au travail, ayant l'amour de leur famille, de leur village !

          Les liens de l'amitié, malgré les petites dissensions journalières inévitables, les unissaient dans le même culte

          Je les ai tous connus et estimés, étant tous de ma génération, ou la précédant, ou la suivant de près. Sous l'écorce un peu rude du Meusien, ils cachaient les beaux sentiments qu'ils devaient montrer au cours de la grande guerre. Les Meusiens ont été vaillants soldats, comme toujours, dignes de leurs aînés.

          Tous avaient eu pour éducateur un maître d'élite, un instituteur d'allure modeste, mais de premier plan. J'ai nommé M. Duchêne, notre maître vénéré, ancien maire de Lissey, à qui j'ai voué une reconnaissance qui ne s'atténuera jamais.

          Je prie sa famille de bien vouloir trouver ici l'expression de notre respectueux souvenir, vis à vis de celui qui n'est plus et n'a pas eu, lui non plus, la suprême satisfaction de finir dans son village, au milieu de ses amis.

          Je n'oublierai pas l'éducateur spirituel de notre époque, l'abbé Laporte, qui a exercé à Lissey un sacerdoce pendant de longues années et dont la largeur de vues, l'esprit de tolérance, ont largement contribué au développement des qualités morales des enfants du pays. Vers lui aussi, qui repose là-haut dans notre modeste cimetière, au-dessus du village, doit aller le tribut de notre pieuse reconnaissance.

          Au-dessus de la guerre, il y a la paix, a dit le maréchal Foch. Tous les Français applaudissent à ces paroles parce qu'elles sont conformes à leur tempérament.

          Comme vous, autant que vous, je désire ardemment la paix. Mais je crains que tant qu'il y aura deux hommes sur la terre, l'entente complète ne puisse être réalisée entre eux. Entre deux voisins, entre parents même, il s'élève des discordes, des haines.

          Mais de même que le voisin violent ou irascible hésite, retenu par la crainte, à molester son voisin - si celui-ci est robuste et muni d'un solide gourdin - de même un peuple, s'il veut être respecté, doit être craint, par suite être fort et posséder une armée forte et instruite.

          Pour nous, Meusiens, qui nous trouvons à l'avant-garde, nous ne pouvons que nous souvenir. Le sacrifice de nos glorieux morts ne doit pas être vain.

          Non, mes chers Amis, tombés au champ d'honneur, nous n'oublierons pas votre exemple. Ce que vous avez maintenu et acquis au prix de votre sang, nous voulons le conserver et nous le conserverons.

 

DISCOURS  DE  M.  LE  SENATEUR  LECOURTIER 

            Messieurs

            Laissez-moi vous remercier tout d'abord de m'avoir convié à cette cérémonie, qui serait en vérité, une fête, si ce beau jour n'était mélancoliquement obscurci par le souvenir douloureux du calvaire que vous avez gravi et par l'évocation des mémoires si chères de ceux qui sont tombés pour la défense du sol natal.

            Le tribut d'hommages que nous devons à ces braves, nous le leur apportons avec notre reconnaissance attendrie, car leur sacrifice n'a pas été inutile.

            En effet, en dehors de la victoire finale, si chèrement achetée, d'ailleurs, ces soldats nous ont donné une grande leçon, dont nous avons profité.

            Ils nous ont appris à ne pas nous absorber, quand l'ennemi est là, qui rôde, dans la vaine contemplation d'un idéal illusoire. Ils nous ont appris le danger des discussions stériles, la vanité des petites querelles politiques, l'absurdité des batailles confessionnelles. Ils nous ont appris, enfin, que seule peut vaincre et accomplir de grandes choses, l'union indéfectible et indissoluble devant l'adversaire comme devant la grande œuvre à accomplir.

          C'est cette union, mes chers compatriotes, que vous avez su pratiquer et c'est elle qui a permis votre brillante reconstitution.

          Après l'accablement du départ, vous avez eu, à votre arrivée, à lutter contre les mille forces obscures qui paralysaient votre rétablissement.

          Je fus le témoin actif de vos efforts. Mieux que personne, j'ai connu vos détresses, puisque j'ai passé plus de dix ans de ma vie à me débattre avec vous dans les difficultés sans nombre qui enrayaient votre  essor.

          Nous sommes, cependant, arrivés au but de la route.

          Je n'en veut pour preuve que la réédification de votre village, et la prospérité des campagnes qui l'entourent.

          Eh bien ! ce résultat mes chers amis, est dû exclusivement à cette union dont je parlai tout à l'heure et qui ne s'est jamais démentie.

          Vous avez compris que pour être forts et pour vaincre les forces adverses coalisées (que ces foyers s'appellent: la détresse financière, la carence administrative, ou autrement), vous avez compris, dis-je, qu'il faut se serrer les coudes sans distinction d'opinion et que l'heure n'est plus aux discussions byzantines de clocher.

          Ce qui a fait ma force auprès des pouvoirs publics, quand il s'est agi d'obtenir ce que l'on se refusait à nous donner, c'est que je ne parlai pas au nom d'un parti, mais au nom d'une population unie comme un seul homme, dans la détresse comme dans son courage.

          C'est cette union, mes chers amis, que je vous demande de maintenir encore.

          Vous constatez les prodiges qu'elle a accomplis.

          Or, la besogne n'est pas terminée, malgré que vos foyers soient reconstruits et que vos champs soient prospères. Il reste à la parfaire dans une infinité de détails.

          Restez donc fraternellement réunis dans une confiance réciproque.

          Vous êtes des soldats qui vous battez encore contre l'adversité.
          Et vous gagnerez encore une nouvelle victoire.

 

DISCOURS  DE  M.  LE  DEPUTE  DIDRY

            <<Mes chers Collègues>>

            S'il est un devoir dont je suis fier à juste titre, c'est d'avoir été convié par  vous à venir honorer la mémoire des héros de Lissey tombés pour la défense du pays. Hélas ! il n'y a pas que les soldats que nous devons honorer.

            Lissey a eu ce privilège à la fois triste et glorieux d'avoir sacrifié à la défense de la France et le sang de ses fils et l'âme de ses maisons.

            Cette brave commune fut, en effet, dès le début de la guerre, et du fait de sa situation géographique, la rançon de la lutte.

            On oublie trop ces choses -là, n'est-il pas vrai, quand il s'agit d'accorder à ceux qui ont souffert les bénéfices, les privilèges de la reconstitution.

            Mais nous sommes d'une race qui sait se suffire à elle-même, et qui, dans le cours des siècles, au travers de toutes les vicissitudes, a su réagir et surgir de tous les désastres, plus forte et plus vaillante que jamais.

            Lissey est l'un de ces pays admirables qui ne meurt pas. Quelles que soient les épreuves qu'il traverse, quelles que soient les pertes qu'il subit, il se relève toujours plus vaillant que jamais.

            Lissey est une de ces frontières admirables contre quoi peuvent se heurter tous les efforts ennemis sans l'abattre jamais.

            Et c'est notre gloire, à nous Meusiens, je dirai même à nous parlementaires meusiens, de pouvoir apporter à la France toute entière les preuves d'un courage lorrain qui ne s'est jamais démenti.

            Ayant eu à supporter la plus abominable des tourmentes, votre village s'est réédifié, vaillant et laborieux.

            Qui donc, en regardant présentement vos champs, pourrait croire aujourd'hui que hier il ne restait sur votre sol que le néant qui subsiste après le passage des barbares.

            Ce sont vos bras qui ont accompli ce miracle ! C'est aussi votre foi en des jours meilleurs.

            Mais c'est peut-être par dessus tout la confiance que vous avez en les destinées d'un pays qui ne peut pas mourir, et qui se relèvera de ses épreuves actuelles, comme vous vous êtes relevés vous-mêmes du chaos où vous étiez ensevelis.

            Ayons confiance, mes chers compatriotes, nous traversons des heures financières encore difficiles, nous avons affaire à un autre genre d'ennemis que nous vaincrons comme nous avons vaincu les envahisseurs.

            L'essentiel, voyez-vous, est que nous soyons unis et que nous fermions l'oreille aux mauvais conseillers.

            Nous sortirons de nos difficultés comme vous êtes sortis , vous-mêmes, de votre anéantissement.

            Vous êtes de ceux qui ne désespèrent pas. D'ailleurs, si vous aviez un fléchissement de conscience, les morts dont les noms sont inscrits sur ce monument sauraient vous dire que la grandeur de leur sacrifice vous dicte le devoir présent.

            Mais je n'ai point peur ! Les habitants de Lissey ne sont pas seulement de bons Français, ce sont des hommes, dans toute l'acceptation du terme; et ce sont les hommes qui font la race, le pays, l'avenir.

            Mes chers compatriotes, je salue les enfants de Lissey morts pour la France, je salue ceux qui , vivants, se dévouent encore pour elle.

            Pour terminer la série des discours, M. le sous-préfet Maillard, très touché d'abord des belles paroles à l'adresse de son sympathique père, M. le docteur Maillard, conseiller général de Damvillers, renouvelle ses regrets de n'avoir pu être présent, parce que retenu à la chambre par suite de son état de santé.

            Ensuite, dans une charmante improvisation, qui lui est familière, M. le sous-préfet Maillard dit son émotion de présider à une inauguration dans son propre canton, dans lequel tant de souvenir et de liens l'attachent.

            Au lendemain de la guerre, dit-il, je n'étais pas partisan de la multiplication de ces cérémonies, mais aujourd'hui, j'en reconnais l'utilité, parce que on commence à oublier !...

            Le mutilé qu'on regardait autrefois en héros n'est plus considéré aujourd'hui que comme un infirme.

            Il trouve bien que des communes comme Lissey aient retardé l'érection de leur monument, car c'est toujours le moyen de se retremper dans un pieux souvenir.

            Ce monument enseignera aux jeunes générations les horreurs de la guerre, il fera souvenir, il fera aimer les survivants, les veuves, les orphelins, les mutilés; il sera une sorte d'autel de la paix et de la concorde. Le meilleur moyen de garder le souvenir de nos morts c'est de rester unis.

  

            Pour terminer la cérémonie, un banquet servi dans les bâtiments communaux réunit les personnalités, les invités, les anciens combattants. La parfaite union ne cessa d'y régner, et des liens d'amitié se resserrèrent davantage quand l'agréable vin de Lissey coula dans les verres.

            En résumé, belle journée du souvenir de laquelle les habitants se rappelleront pendant de longues années et le rediront aux petits enfants pendant les soirées d'hiver.

******************************

          L'Avenir de Montmédy du           1922

          Le 15 décembre, la population de Lissey rendait les honneurs au plus jeune des seize soldats de la commune mort pour la France. Après le service que le choeur avait rendu plus impressionnant encore par ses chants et ses cantiques, on transporta le cercueil au cimetière des Poilus. Mr HENRI, instituteur, adjudant pendant la guerre, dans un discours ému, adresse à Maurice ROUYER, tué à 19 ans et demi, au Chemin des Dames, un adieu suprême et offre à sa famille les condoléances unanimes.

          Mr GENIN prononce aussi quelques paroles en l'honneur des poilus tombés au Champ d'honneur. Nous en donnons quelques extraits:

          Naguère, nous avons accompagné dans leur dernier voyage Charles ROUYER, le lieutenant PERIGNON et Vital RICHARD.

          Aujourd'hui, c'est Maurice ROUYER qui nous revient. C'était un enfant avant la guerre, mais la France envahie, meurtrie, menacée par un ennemi implacable, terrible et décidé à toutes les infamies avait besoin des jeunes et des vieux et les classes 17 et 18 ont produits des héros. Ces jeunes soldats avaient vu arriver l'ennemi: ils ont assisté aux angoisses de leurs parents chassés de leur demeure; ils suivaient leurs frères ou amis morts ou en danger. Ils arrivaient dans la carrière quand tant de leurs ainés n'y étaient plus, avec le suprême orgueil de les venger ou de les suivre et la mort, impitoyable, fauchait leur jeunesse.

          Après quelques mois de front ce fut le tour de Maurice ROUYER. Il n'avait pas vingt ans. La croix de guerre et la médaille militaire, mieux que toutes paroles témoignent de ses mérites, de son entrain et de son courage. sa famille peut être fière de conserver ces insignes et trouver quelques consolations.

 

          L'Avenir de Montmédy du 15 avril 1922

          Obsèques: On vient de célébrer les obsèques de Mr DUCHÊNE, ancien instituteur, et ancien maire de la commune, ainsi que celles de Mr Emile ROUYER, soldat mort pour la France.

          Au cimetière, après les prières liturgiques dites par Monsieur le Curé de Brehéville et Lissey, Mr HENRY, instituteur a prononcé l'éloge funèbre des défunts.

          Nos sincères condoléances.

 

 

Sous-pages :

 
Ajouter un commentaire