Journal de Mme LOUIS

 

 

 

Journal de Madame LOUIS Marie-Thérèse ( 1939/1940 )

 

          Née SIROT, à VITTARVILLE, le 20/08/1912. Fille de Isidore Benjamin SIROT ( ancien cultivateur ) et de Marie Herminie LAMOUREUX, sans profession, domiciliés à LISSEY. Mariée le 12/03/1945 à Maxime LOUIS, Inspecteur de la SNCF ( né le 19/10/1907 ). Mère de LOUIS Michel (qui nous a autorisé à publier ce journal).

 

 

          Du 15 août au 1er septembre nouvelle tension européenne. Hitler demande Dantzig et le couloir. Le monde s'inquiète, attend.

Je passe 3 jour à Remoiville. Trois bonnes journées, souvenirs. J.P BRIDGE, espoir. Je rentre le 31 août et le lendemain les allemands entrent en Pologne, bombardent des villes et le territoire; 7 avions sont abattus et 1 train capturé. Le soir, 2 août à 0 heure, mobilisation générale en France. Le monde entier frémit mais reste calme et accepte le sacrifice. Que sera demain?

          1939: 2 septembre : 2ème journée d'attente. Les allemands continuent les combats en Pologne. En France, on s'agite car il faut leur venir en aide.

          3 septembre: L'Angleterre envoie son ambassadeur à Berlin demander au Führer de retirer ses troupes, pas de réponse. L'Angleterre se déclare prête à combattre. La France suit, même réponse négative. A 17 h, la guerre est déclarée inévitable. Mr Daladier fait appel au peuple, c'est la guerre, la lutte demain.

          4 septembre: L'état de siège est décrété. Les allemands livrent des combats acharnés, ils ont, ce matin, torpillé le " Athenia " paquebot anglais transportant 1400 passagers: le monde entier est indigné d'une telle sauvagerie.

          5 septembre: Longue journée d'attente; pas de nouvelle d'André, et l'on en attend avec impatience. On ne signale encore aucun combat sur notre front. Cependant les anglais ont déjà coulé deux navires allemands cette nuit. Des patrouilles de reconnaissance boches ont survolé Paris mais ils n'ont lancé aucun projectile.

: Même journée que 6 septembre          la précédente. Toujours sans nouvelles d'André. La radio ne nous donne aucun détail, on dit que nos troupes avancent, est-ce vrai? Où? De quel côté? Ce silence est énervant. Cette nuit le village est resté éveillé par le passage des troupes motorisées: motos, side-cars, chenillettes, tanks, autres blindés.

          7 septembre: Cette nuit encore des troupes, de l'artillerie. Que doit-il y avoir de troupe là-bas sur la frontière! Ici, toujours le même calme. A part les voitures militaires et les trains, c'est le silence. Dans les environs, les réfugiés arrivent, que Dieu nous préserve de ne jamais les imiter. Toujours pas de nouvelles. Il y a des alertes dans plusieurs villes de France, mais aucune bombe n'a été jetée. Les anglais ont survolé l'Allemagne et lancé des tracts à la population civile.

          8 septembre: Journée calme, rien à signaler, mais nous avons enfin des nouvelles, vieilles, car elles sont du 2, mais cela rassure tout de même, le moral est bon c'est l'essentiel.

          9 septembre: Journée calme pour nous. Les troupes avancent en Allemagne mais on ne connaît aucun résultat.

          10-11-12 septembre: Semblables aux précédentes journées. On recommence à s'inquiéter car on ne reçoit pas de nouvelles.

          13 septembre: Dès 6 h du matin, le 22ème RIT est arrivé cantonner au pays avec environ 2000 hommes, tunisiens et français. Quel remue ménage, ils passent la journée et repartent le soir à 9 heures. Triste journée, il a plu toute la nuit et toute la journée et il fait froid.

          14 septembre: Tout est rentré dans le calme mais déjà on prévoit de nouvelles troupes.

          15 septembre: Quelle joie, une lettre après douze jours d'attente. Un bataillon du 91ème génie de Versailles est arrivé avec son matériel. Les combats violents s'engagent, on ne sait rien.

          16 septembre: La troupe part cette nuit. Les événements se continuent. Les allemands livrent en Pologne une guerre sans merci, tuent femmes et enfants. La Pologne résiste.

          17 septembre: Que de troupes sont passées cette nuit. Départ du génie, passage de l'artillerie 109 de Chateaudun. Nouveau coup de théâtre: la Russie entre en Pologne, que nous réserve demain?

          18 septembre: Journée calme, rien de sensationnel.

          19 septembre: Le 115ème RI venant de l' ouest cantonne ici. Têtes sympathiques. Nouvelles d' André. Les combats continuent, les polonais résistent toujours aux deux envahisseurs.

          19 au 30 septembre: Le 115ème RI le 213e RI de Cosnes lui succède. Ils restent ici un certain temps. Nous avons maintenant des nouvelles régulièrement. La Pologne est envahie de tous côtés. Varsovie est en ruine et demande l'armistice. Les attaques continuent dans la Sarre.

          30 septembre au 21 octobre: Varsovie succombe sous la violence des deux adversaires. Hitler ramène ses troupes à l'ouest. Quelques attaques qui sont toujours repoussées. Les 20 et 21 septembre, départ du 213e RI. Ils laissent des regrets, des souvenirs, les cafés, les parties de bambus, les sergents Raimbeau ( Poupoute ), Jouanneau, Dair, Gase, Faicheau, Montagu, Malet, les soldats Lefèvre, Agoyer, Delatre, Vincensiné.

          22 octobre: Le 2ème train hippomobile, tringlot ( argot: militaire du train ) du …? Arrive et cantonne: 15 chevaux, 100 hommes.

          23 octobre: Le 32e R.A.C Toulouse se partagent le pays.

          25 octobre: Un avion allemand survole le pays pour la première fois, à 11 h du matin. La DCA fonctionne sans succès.

          27 octobre: A midi, nouveau raid, les obus éclatent tout autour sans succès non plus. Le mauvais temps sévit partout, des averses de pluie et neige les 27 et 28.

          6 novembre: Alertes dans la journée et le 8 novembre également; ils lancent des tracts.

          25 novembre:: L'artillerie, le 32e R.A. Coloniale part, le 27, le 3e R.A. Coloniale succède.

: La Russie attaque 30 novembre          la Finlande. De cette date au 27 janvier, rien à signaler, mais ce jour les tringlots quittent Lissey après trois mois de séjour et une épidémie de typhose. Ils sont à Viviez sur Chiers. André est venu en permission le 2 janvier. Le froid est très vif, neige  gelée.

          1940

mars et le même jour une nouvelle compagnie de ce même régiment vient également au repos. Ces compagnies se succèdent jusqu'au 11 avril où ils sont rappelés précipitamment en pleine nuit, car le 9 avril les allemands ont envahi le Danemark et er RIF au repos; ils partent le 1e: Nous avons du 15513 février          la Norvège. Celle-ci résiste; les alliés vont les aider, de violents combats navals s'engagent; après deux jours de lutte les boches ont perdu 18 navires, les anglais quatre. André est venu en permission le 28 mars.

          16 avril: De l'A.C 3e est venu se joindre aux autres, de nombreux malgaches. Le 155e revient encore une fois.

10           mai: Les allemands envahissent la Hollande, la Belgique, le Luxembourg. Le 155e est rappelé précipitamment, puis le 103e cantonné une nuit, puis le 12e RTS. Ils restent plusieurs jours. Dans la nuit du 10 au 11, de nombreux avions survolent le territoire français et le samedi 11 à 5 h  du matin ils lancent 5 torpilles auprès du village sur un convoi automobile: il y a 8 tués et des blessés. Le lendemain encore 1 tué , 3 blessés et 8 chevaux tués. Nous avons alertes sur alertes; notre temps se passe aux tranchées ou à la cave, bientôt les bois sont repérés et mitraillés.

16           mai: Jeudi, à 2 h de l'après-midi, je vais à Peuvillers, ils sont partis. Au retour, je suis surprise par un bombardement intense: une quarantaine d'avions survolent et bombardent pendant une heure toute la région, affolement général. Le même soir nous partons à 9 h. Nous passons par Ecurey, Damvillers, Azanes, Grémilly, Maucourt, Dieppe où nous arrivons à 5 h du matin; Tout le long du parcours, nous croisons des convois de toutes sortes: infanterie, autos, motos, chevaux, convois de munitions, ambulances, etc.. A Dieppe, on nous reçoit très bien. Nous repartons le lendemain à 4 h du matin pour Abaucourt, Moranville, Blanzée, Chatillon-sous-les-côtes, Watronville, Ronvaux, Haudiomont, Bonzée-en-Woëvre. Ici nous couchons sur la paille infecte. Mauvais accueil général. Nous repartons le lendemain à 3 h 1/2 par Ménil-sous-les-côtes, Rupt-en-Woëvre, Génicourt, Ville-en-Woëvre, Récicourt ( d'ici, je m'écarte du convoi et vais à Haudainville ), Benoite-Vaux à midi; repos pris sous le hangar, couchée au couvent. Départ le lendemain à 7 h, car nous nous éloignons et nous voyageons le jour, nous passons par Courouvre, Pierrefite, Nicey, Ville-devant-Belrain. Arrivée à midi, bon accueil dans une ferme. Départ à 5 h du matin par Villotte, Génicourt, Levoncourt, Lavallée, Lignières ( rencontre avec des gens de Lissey emmenés par autocar ), Doganville, Triconville, Loxéville, Ernécourt, Domrémy-aux-bois, Saint-Aubin-sur-Aire, Méligny-le-Grand,arrivée à 3 h de l'après-midi. Ici nous restons une semaine; très bon accueil, mais ne trouvons aucun logement. Nous venons à Naives-en-Blois où nous nous installons provisoirement; petit pays très calme. Pendant ces dix jours écoulés, de violents combats se livrent à Sedan et aux environs ainsi qu'à Montmédy où on les repousse. Puis les allemands s'infiltrent vers le nord; ils prennent Arras, Amiens, Boulogne; des combats terribles ont lieu; on les maintient mais le 28 mai, le roi des belges se rend et livre son pays sans condition. Son peuple le condamne et reste aux côtés des alliés.

          3 juin: Prise de nostalgie du pays, je brave tout et je pars. Je réussi à passer grâce à Dieu. J'arrive pour trouver les maisons pillées. Quel désastre! Quelle tristesse! Malgré tout, je suis contente d'avoir revu, une fois encore, mon village, ses bois, ses arbres, notre jardin, des visages sympathiques que je n'espérais jamais revoir. Que d'émotions douces et tristes pendant ces deux jours! Le lendemain, évacuation totale, quand reviendrons nous? De violents combats ont lieu dans le nord. On les maintient toutefois difficilement mais voilà qu'à l'horizon un nouveau nuage s'annonce: l'Italie déclare la guerre à la France et à l'Angleterre.

          10 juin 1940: A partir de ce jour la population civile vit dans l'anxiété, sans nouvelles, sans communiqués, des bombardements violents. Tout le monde s'affole et part; nous restons nous trouvant sans moyens de transport. De braves voisins luxembourgeois nous proposent de nous emmener en auto pour fuir l'invasion, mais où sont-ils exactement? Nous n'avons que de fausses nouvelles.

          17 juin: Des avant-coureurs motocyclistes arrivent; qu'est-ce que c'est? des anglais? Hélas non, ce sont des allemands; tout le monde s'assemble et tremble; ils parcourent les rues en saluant et souriant, le fusil mitrailleur dans les mains et une bande de cartouches pendue à la ceinture; mais stupéfaction générale, comme il n'y a pas de troupes à Naives, ils rassurent la population et tiennent à leur parler. Ils sont plutôt bons et généreux, ils embrassent les enfants, leur donnent du chocolat, ils ne font aucun dégât, ni vol, ils sont plutôt sympathiques. Ils ont habités ici pendant trois jour et ils sont partis, mais nous sommes prisonniers sans nouvelle aucune que celles qu'ils nous donnent qui sont souvent mensongères. Mais bientôt l'armistice est signé, nous sommes vaincus, les allemands renvoient les réfugiés dans leur pays.

          28 juin: Je retourne à Lissey, je suis seule au pays; le pays n'est pas abîmé, mais quel pillage, quelle pagaille, enfin je récupère bien des choses qui nous appartenaient et le lendemain je reviens à Naives ou il est impossible de trouver une voiture pour nous ramener. Après trois semaines d'attente et de recherche après une voiture, il ne nous reste plus qu'une ressource: cheval- voiture. Les allemands nous prêtent un cheval, nous achetons une vieille charrette.

          16 juillet: Nous nous mettons en route pour le retour. Nous passons par Menil-la-Horgne avec l'intention de passer par Chonville afin d'arriver plus vite à Lérouville. Hélas, après avoir marché huit kilomètres environ, le cheval se met à boiter. Nous décidons de descendre à Commercy, la pauvre bête ne peut plus aller plus loin. Nous étions parti à 9 h du matin, nous arrivons à 3 h de l'après-midi. Aussitôt, je vais à la Kommandatur; après bien des démarches, ils consentent enfin à changer le cheval et le lendemain 17 , à midi, nous choisissons un cheval blanc pour remplacer le gros boiteux et à 2 h nous repartons pour Lérouville, Vadonville ( ici nous rencontrons un gros orage, nous nous abritons sous le pont du chemin de fer, là la foudre tombe sur le pont: énorme émotion ), Sampigny, Koeur-la-petite où une nouvelle averse nous oblige à coucher ( là assez bon accueil, coucher sur la paille ). Le lendemain matin, départ à 7 h par Koeur-la-grande, Menonville, Saint-Mihiel, Bannoncourt, Les Paroches, Dompcevrin, Woinbey, Boucquement, Tilly, Villers-sur-Meuse, les Monthairons, Ancemont, Dugny ( ici arrêt, mauvais accueil ). Départ le lendemain à 7 h pour Verdun, Belleville, Bras, Vacherauville, Flabas, Damvillers, Ecurey et nous arrivons enfin le vendredi 19 juillet à cinq heures du soir.

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