Extrait de l'ouvrage de Jean Prieur: Grandeur et misère du 618ème ( septembre 1939 - 22 juin 1940)
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Un ordre de mouvement du Q.G. fait connaître que le Régiment doit se regrouper dans les bois environnant Ecurey
Les 2° et 8° Compagnies devront rejoindre en deux étapes.
L'E.M.R s'établira àEcurey avec celui du 2°bataillon qui déjà s'y trouve.
Tous ces mouvements sont à exécuter de nuit, les itinéraires étant bombardés sans cesse.
Il s'agit, parait-il, d'une relèvedu 18° Corps d'armée.
ECUREY
Ce soir, du 10 juin, des fumées se discernent vers l'Ouest, du haut du perchoir de Dun, que nous nous préparons à abandonner.
Pas d'avion au-dessus de nous.
Les voitures sont prêtes.
Un dernier regard sur Dun où rien ne bouge, et sur Doulcon, tout aussi calme, puis nous dévalons la pente pour rejoindre Ecurey.
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Le mouvement du Régiment entier sera terminé sans incident à trois heures du matin.
C'est au presbytère d'Ecurey que notre troupe s'arrête.
Devant celui-ci, deux petits abris de Clayonnage et de terre, encadrent l'entrée masquées par un arbre vert.
La maison est vide. La literie a été enlevée des lits, mais n'importe; on commence à s'installer.
Le chai, où nous descendons une partie de nos caisses, est assez encombré.
Le prêtre qui y résidait devait être un apiculteur car il y a là, un extracteur, un maturateur et tout un petit matériel apicole qu'il a laissé sur place.
Sous la maison se trouve un block. La dernière guerre a laissé là, un vestige bien conservé qui peut nous être précieux.
Le génie a installé son central téléphonique, mais il est en train de le défaire en toute hâte.
De l'autre côté de la maison se trouve un magnifique jardin fleutiste et potager très bien entretenu où il y a à peu près tout.
Quelques autres jardins le prolongent et, en face, une colline boisée ferme l'horizon.
Dans ces bois campent des unités du 2° Bataillon.
Au ras de la maison, adossés au block, se trouve une quinzaine de ruches à cadres.
Le soleil est chaud, et la miellée est bonne.
Les avettes sont actives. L'Eternel va et vient se poursuit sans arrêt.
Quelqes-unes propolisent un interstice au couvercle de la hausse, sans se préoccuper de ce qui se passe à l'extérieur.
La guerre ne les intéressent point. Prévoyantes et sages, elles pensent à l'hiver qui viendra, sans se douter que les hommes en furie se battent autour d'elles....
Quelle leçon pour eux que cette tranquillité, l'amour de la vie, de la lumière qui sort de ces quinze petites boites, contenant chacune des milliers d'insectes associés dans leur destin, créant la vie et la joie de vivre....
Les fraises sont mures et bonnes...
Vraiment le site est enchanteur et il est bien dommage de le connaître dans les conditions où nous sommes.
Le soir descend.
Il fait bon, après diner sous la petite véranda, allongés sur l'herbe devant les ruches qui ronflent paisiblement, tandis que dans le lointain, d'autres bruits sourds, plus insolites, rappellent les réalités de l'existence actuelle qui fait de nous des êtres errants.
La nuit de juin est lourde et le sommeil est long à venir.
Pas de nouvelles ce soir, le poste TSF est resté à DUN.
On espère qu'une amélioration se produira.
Le brillant soleil inonde de lumière le jardin du presbytère et les abeilles ont repris leur course échevelée.
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Pas de notes ce matin. On fait un peu de courrier personnel qu'H... emportera tout à l'heure.
Les heures filent et ma foi on aimerait rester là.
- Chouette P.C., tout de même !
- Pas mal ! Il n'y a que les bouteilles de pinard qui manquent pour assaisonner les fraises, dit sans rire, le petit futé B...
- Bah ! dit un autre plus philosophe, faut faire une petite cure de désintoxication... Ordre de mouvement !
- Cà, c'est régulier ! Quand on est pas trop mal; il faut décaler !
Nous devons aujourd'hui transporter le P.C. du Régiment à Damvillers, où se trouve déjà le Q.G.
Les bataillons se groupent dans les bois environnants.
Une nouvelle fois, la camionette se charge et nous prenons la direction de Damvillers qui n'est guère qu'à quelques kilomètres.
DAMVILLERS
Nous avons notre nouveau logement à la coopérative d'alimentation de Damvillers qui est entièrement vide.
Elle est située dans la grande rue.
Le Q.G. est à notre gauche, à deux cent mètres.
A droite, se trouve une bifurcation de routes.
Nous apprenons, par un commandant qui nous rejoint, que le pont de Dun est sauté ce matin à huit heures.
Un obus aleemand est tombé en plein dessus et comme il tait miné... le génie n'a eu rien de plus à faire.
- Les obus sur Dun ?
Ce la nous laisse réveurs. Ainsi, les Allemands nous talonnent d'assez près quand même...
Où donc est-elle, la tranquillité reposante du presbytère d'Ecurey.
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