Quelques notes sur Lissey
( lettre adressée à l'abbé ROUYER par l'abbé ROYER, ancien curé de Lissey )
L'église:
Elle a été construite vers 1780, elle remplaçait une ancienne église qui se trouvait dans le cimetière actuel, et qui sans doute menaçait ruine; le cimetière actuel qui la portait se trouvait fait en partie de terre rapportée soutenue par le mur qui borde le chemin du bois et du Châtelet. L'autel avec ses colonnes qui se trouve dans l'église actuelle doit provenir de l'ancienne église.
Le presbytère:
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L'ancien presbytère, vue prise, avant la grande guerre, du clocher de l'église |
Il a été démoli après la guerre de 1914/1918 et c'est grand dommage.C'était la maison la plus agréable du village. Il se trouvait au-dessus du cimetière actuel qu'il bordait à l'est et en contrebas de ce cimetière. Au Ier étage, une porte donnait directement sur le cimetière, circonstance qui montre que le presbytère était plus ancien que l'église actuelle; cette porte permettait au curé d'accéder facilement à son église.
Plan du presbytère | Rue du Châtelet |
L'escalier de 13 marches que l'on doit gravir pour aller au cimetière, en quittant la rue, donnait également accès au presbytère.
Cette maison était un gros cube de maçonnerie dont la façade regardait l'est. Le mur nord bordait la rue qui monte au Châtelet; le mur sud qui aurait dû border la rampe d'accès au cimetière se trouvait séparé de cette rampe par une tranchée qui servait à la fois à protéger le mur de l'humidité et à donner de la lumière à la salle à manger dont la fenêtre s'ouvrait au midi. Le mur longeait le cimetière.
On montait trois marches sur le terre plein au haut de l'escalier venant de la rue et l'on se trouvait dans le corridor. A gauche la cuisine et à gauche de cette cuisine on avait bâti postérieurement un petit appentis de deux mètres de hauteur sur autant de largeur et 2 m 50 de longueur dans lequel se trouvait l'évier ainsi que la pompe.
Dans la cuisine la cheminée se trouvait face à la fenêtre c'est-à-dire adossée à la cloison de la salle à manger.
La salle à manger était petite. Comme le presbytère soutenait de tout son rez-de-chaussée la terre du cimetière; quant on était à table on se trouvait au niveau des cercueils enterrés dans le cimetière.
Au 1er étage, comme il a été dit, on était de plain pied avec le cimetière. Il y avait 4 chambres, dont deux avaient une vue sur l'est, une sur le nord et l'autre sur le midi. Je n'ai occupé que les deux premières. Celle qui donnait au nord contenait divers objets et celle qui donnait sur le midi servait de chambre à apiculture à mon prédécesseur et de fruitier à votre serviteur.
La cave se trouvait au niveau de la rue sur laquelle se trouvait une porte donnant accès , sans préjudice d'une autre porte avec escalier permettant d'y accéder du corridor.
Les dépendances du presbytère n'étaient pas contiguës à cet immeuble. De l'autre côté de la rue montant au bois, se trouvait un bâtiment servant de grange, d'écurie et de foulerie, avec une assez grande cuve que les curés se revendaient de l'un à l'autre; et à gauche en haut de l'escalier qui donne accès au terre-plein du presbytère se trouvait la chambre à four; en contrebas de 5 ou 6 marches (avec WC), et plus bas, mais sous le même toit, la bûcherie, en contrebas d'une dizaine de marches d'un escalier ou échelle de meunier. Cette bûcherie, comme la cave, avait accès de plein pied à la rue.
La grange et l'écurie se trouvaient entre deux maisons, alors habitées, mais détruites durant la guerre de 1914? Celle du dessus appartenait à M. et Mme Santerre, les grands parents maternels de l'abbé Bon ( M. Santerre était tisserand et son atelier se trouvait en dessous de la maison Bon). Celle au dessous était habitée par M. et Mme Ascélipiat (famille disparue de Lissey mais dont il doit encore rester des traces. M. Ascélipiat, chanvrier de son métier, était un enfant de l'assistance qui lui avait donné ce nom baroque. Resté veuf avec 6 enfants, il se remaria avec la veuve Sirot, qui en avait 5, de sorte que le jour du mariage ils étaient déjà 13 à table; ou du moins ils auraient dû être 13 car les aînés étaient déjà dispersés. Ils eurent encore 3 enfants après leur remariage. Au moment où j'arrivai à Lissey , en 1903, la plus jeune, Julie, âgée de 13 ans, habitait seule avec ses parents. On donnait à M. Ascélipiat le surnom de "Père Champ d'Aulx", sous lequel il était surtout connu).
En dessous de la bûcherie était l'habitation de M. et Mme Huraux. Anthime Huraux était sacristain et sacristain modèle. Il pouvait avoir une cinquantaine d'années en 1903. Sa femme, Clarisse Franc, était plus âgée que lui. Ils n'eurent pas d'enfants, mais commencèrent l'éducation des enfants Bon. En particulier l'abbé Bon, qui avait de 2 à 7 ans lorsque j'étais à Lissey, était un assidu de la maison Huraux. Et comme on n'y parlait que patois, le petit Gustave a parlé couramment le patois avant de savoir le français.
J'ai dit qu'Anthime Huraux, l'Anthime, comme on l'appelait à Lissey, était un sacristain modèle. Toujours exact, très fort en liturgie, lisant l'Ordo aussi bien qu'un curé, et bien que sourd comme un pot, s'apercevait tout de suite si le célébrant oubliait une oraison, car il avait préparé le missel.
Il avait formé un élève qui l'a remplacé pendant quelques années et qui malheureusement est mort trop jeune: c'était Louis Patoche, frère cadet d'Alfred Patoche de Joeuf, dont il est question dans ma 1ère lettre. Louis Patoche n'avait rien d'extraordinaire comme intelligence, qui atteignait à peine la moyenne, étant sous ce rapport inférieur à son frère Alfred et à sa sœur Claire. Mais il était particulièrement doué pour la liturgie, et à 11 ans, il lisait l'Ordo aussi bien que moi et que l'Anthime, et préparait le missel comme lui.
Je m'excuse de ces digressions qui ne devraient pas entrer dans le chapitre du presbytère, mais qui se sont trouvées amenées en parlant de cet immeuble.
Le jardin du presbytère: Il était assez vaste; il formait trois étages. L'étage inférieur était au niveau de l'entrée du presbytère: il longeait les jardins des maisons d'en dessous et se continuait par une vigne qui rejoignait le vignoble de Lissey. Au bout de cette vigne, une palissade la séparait d'un sentier, par lequel on pouvait se rendre à Ecurey sans passer par le village. Cette partie du jardin avait été donnée par des paroissiens autrefois et appartenait non pas à la commune, mais à la fabrique.
L'étage du milieu se trouvait à 2m 50 au dessus du précédent et bien à plat. C'était la meilleure partie, divisée en 4 carreaux au coin desquels se trouvaient des quenouilles de poiriers de bonne espèce. Une tonnelle en charmes avait été aménagée à l'angle sud-est. Cette partie se trouvant presque au même niveau que le cimetière, après la guerre de 1914-1918, et après la suppression du presbytère on a empiété sur cette partie du jardin pour agrandir le cimetière et y inhumer des soldats.
L'étage supérieur comportait deux parties: au dessus du potager du milieu il y avait le verger, et au dessus du cimetière, une 2ème vigne. Le cimetière se trouvait ainsi former une enclave au milieu du jardin.
Le verger était planté de grands pruniers et pommiers montant très haut en raison de la pente assez rapide du terrain. Une haie très épaisse terminait le verger et la vigne tout en haut. Une rangée de mirabelliers s'alignait au dessous de cette haie, mais il s'agissait de petites mirabelles n'ayant que la couleur de commune avec les mirabelles de la région des Côtes.
La vigne qui dominait le cimetière, tout comme la vigne de l'étage inférieur, appartenait à la fabrique. Donc le jardin du presbytère avait deux propriétaires: la commune, pour l'étage du milieu et le verger; la fabrique pour le surplus. Cette particularité n'avait aucune importance en 1903, lors de mon arrivée à Lissey, mais elle en eut en 1906 et 1907, lorsqu'il fallut appliquer la loi de Séparation.
D'une part le presbytère avec ses dépendances communales devaient être loués au curé s'il voulait continuer à y habiter; d'autre part, les biens de la fabrique étaient dévolus au bureau de bienfaisance qui devait également les louer à son profit.
Or si les instructions qui nous étaient données alors nous autorisaient à louer les presbytères lorsque la commune le demandait expressément sous peine d'expulsion, nous n'avions pas le droit, nous curés, pas plus que les paroissiens, de louer les biens pris aux fabriques. Ces derniers furent loués par les soins de l'Administration des Domaines qui avait été chargée en 1906 de dresser leur inventaire. Et voilà comment, en 1907 ( il faudrait avoir sous les yeux la "Gazette de Lissey" pour en retrouver la date exacte et les détails) les parties du jardin appartenant à la fabrique (dont les 2 vignes) furent mises en location. Comme personne de Lissey ne voulait louer ces terrains, on suborna un cordonnier d'Ecurey, un exalté féburien de bonne marque et braillard réputé. C'est lui qui fut incité à louer le jardin du presbytère de Lissey. Il s'appelait Juste Drouot, et habitait à Ecurey dans une des petites maisons qui font face à la Petite Lissey. Il était le fils d'un marchand de complaintes qui autrefois parcourait la région en vendant des images d'Epinal sur lesquelles étaient imprimées des chansons composées sur les tristes événements de l'actualité ou du temps passé, comme Geneviève de Brabant, le Juif Errant, etc. Juste Drouot, le Juste, comme on l'appelait, n'était tout de même pas très fier de son bail. Je ne l'ai jamais vu venir au jardin. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne le cultivait pas; mais il ne venait que lorsqu'il était certain que j'étais absent, et régulièrement tous les dimanches pendant la grand'messe. Comme il n'a loué qu'en 1907 pour cultiver en 1908 et comme j'ai quitté Lissey en octobre de cette même année, j'ignore ce qu'il en est advenu depuis. Je suppose que toutes les parcelles louées par l'Enregistrement ont fait retour à la commune.
Les archives: Comme je l'ai dit dans une lettre , nous possédions à Lissey dans le coffre à trois clefs, coffre vénérable par son antiquité et qui a dû disparaître dans la tourmente, les comptes de la fabrique depuis 1640 jusqu'à la Révolution. Il en existait naturellement aussi de plus récents, mais dénués d'intérêt.
J'avais eu l'idée de les copier, mais c'eut été du temps perdu ; et si je l'avais fait, la copie n'existerait pas plus que les originaux, mon presbytère de Jametz ayant été complètement vidé par les Allemands entre 1914 et 1918.
Parmi de multiples détails insignifiants, je me souviens d'avoir vu dans ces comptes, à maintes reprises, la mention de pertes subies par la fabrique, par suite de la dévaluation des monnaies en circulation., - de dommages causés dans les prés de la fabrique par les troupes qui y fourrageaient pour leurs chevaux -; - de dépenses effectuées régulièrement chaque année pour payer le voyage d'un marguillier, à Vilosnes, le mercredi saint, et le poisson qu'il allait y acheter pour la "Cène" du Jeudi Saint; repas commun et plantureux autant que faire se pouvait en Semaine Sainte, et ou le curé se trouvait avec les marguilliers et le <<synodal>>.
Ce mot de <<synodal>> désignait à Lissey, le sacristain. J'ignore s'il est encore usité, mais il y a 45 ans, il n'était pas rare de l'entendre encore et l'Anthime était souvent désigné par ce nom.
Les curés de Lissey; Il y a 45 ans, on gardait la mémoire des curés qui avaient desservi Lissey depuis le 2ème Empire;
Le plus ancien dont j'ai entendu parler était le curé Paquin, qui a dû mourir en 1870. Il était vénéré et ne pouvait être oublié, car il avait fondé 2 messes par mois, une pour sa sœur et une pour lui, messes que j'ai célébrées tant que l'on a touché les rentes, c'est-à-dire jusqu'en 1907. Ces messes avaient ceci de particulier, qu'après les prières finales, dites prières de Léon XIII, les assistants venaient (s'ils le voulaient) s'agenouiller à la Sainte Table, et je leur partageais une somme de trois francs. Je devais donc me munir de petits sous, et dans le trajet de l'autel à la Sainte Table, calculer la somme que je pouvais donner à chacun, suivant le nombre des personnes présentes. Elle recevaient habituellement 7,8 ou 9 sous, suivant les jours. Pour l'époque, c'était quelque chose; le curé lui-même n'avait que 30 sous pour la messe. Les enfants ne pouvaient se présenter, il fallait avoir au moins 14 ans. Bien entendu, les pauvres seuls se présentaient, mais il y en avait un certain nombre au pays et l'argent y était rare alors. Le budget des recettes de l'église ne dépassait pas, entre 1903 et 1908, la somme de 150 à 200 fr. par an . Mais c'était des francs or.
Le curé Paquin fut remplacé par le curé Souplet de 1870 à 1884. C'était un grand-oncle du chanoine Souplet, prêtre sacriste de la Cathédrale. Il est mort curé de Savonnières en Perthois, peu avant la guerre de 1914. Je l'ai un peu connu. Il était assez grand et bien taillé. Il avait laissé à Lissey le souvenir d'un curé zélé, mais assez dur. Il eut en particulier, maille à partir avec la municipalité à l'occasion des sonneries civiles du 14 juillet qu'il ne voulait pas tolérer.
En 1884, il fut remplacé par l'abbé Laporte, qui venait de Pillon, et qui était originaire de Saint-Pierrevillers. C'est lui qui a dû baptiser votre maman et ses sœurs et leur a fait faire leur première communion, sauf la plus jeune, votre tante Esther, à laquelle j'ai moi-même fait le catéchisme. Je ne l'ai pas connu; il est mort en mars 1903 et je l'ai remplacé au mois d'octobre suivant. Votre maman et les anciens de Lissey pourront vous donner sur lui plus de détails que je ne pourrais le faire.
J'ai été le dernier curé de Lissey. J'étais le vicaire à Saint Antoine de Bar-le-Duc, lorsqu'en septembre 1903, je reçus ma nomination de curé de Lissey, paroisse desservie par l'abbé Giron, curé d'Ecurey depuis le décès de l'abbé Laporte. L'abbé Giron n'avait pas été averti par l'Evêché qu'on lui retirait une annexe qu'il aurait bien voulu conserver et il ne put s'empêcher d'en exprimer un mécontentement la première fois que je le vis.
Mon premier contact avec Lissey eut lieu le 5 octobre 1903. Ce n'était pas commode alors d'aller de Bar-le-Duc à Lissey. Le dimanche 4, je vins coucher au petit séminaire de Verdun, invité par l'abbé Laurent (aujourd'hui curé de St Jean Baptiste à Verdun) qui devait me succéder à St Antoine. Il fallait prendre à 4 h. 1/2 le train pour Eix-Abaucourt, d'où partait le courrier postal Eix-Montmédy (en voiture à chevaux) qui me déposa à Damvillers vers 8 heures. A 9 h., je me présentais à l'abbé Giron à Ecurey, un peu avant son départ pour Lissey où il allait chanter le service du lendemain de la fête patronale. Je devais le rejoindre à Lissey après le service. J'y arrivai vers la fin de la messe, pendant qu'on chantait la communion.
Après la messe, nous fîmes deux visites: la première au presbytère où la gouvernante de l'abbé Laporte était demeurée, dans l'espoir qu'il n'y aurait jamais plus de curé à Lissey, espoir d'ailleurs partagé par l'abbé Giron, et aussi, depuis qu'elle connaissait ma nomination, dans l'espoir que le nouveau curé serait heureux de trouver une gouvernante sans avoir à chercher. Mais l'abbé Giron m'avait averti qu'elle n'avait pas les qualités requises et qu'il fallait répondre par un refus net à se propositions. C'est pourquoi je la priai de me laisser le presbytère libre dans la huitaine et j'eus gain de cause.
La deuxième visite était pour le maire qui était alors Placide Richard et qui régnait véritablement sur Lissey avec ses 4 garçons mariés et pères de famille dans la paroisse, plus également une fille également mariée et mère de famille. Tout ce monde là est aujourd'hui disparu. Il reste sans doute des petits enfants à Lissey; j'en connais au moins une : le femme de Jules Collin.
J'arrivai à Lissey le 15 octobre; mes meubles étaient à Vilosnes depuis l'avant-veille. Le maire avait envoyé deux chariots à la gare où je me trouvais avec ma sœur, qui devait demeurer avec moi, et mon père.. Les deux charretiers étaient Constant Lavallée, aujourd'hui décédé, et Auguste Richard, fils d'Isaïe, parti de Lissey en 1914 et marié à Velaines où il s'est installé.
Arrivé à Lissey le 15 octobre 1903, j'en suis parti pour Jametz le 23 octobre 1908, après 5 ans et 8 jours de présence.
Les principaux événements qui se passèrent pendant ces 5 ans furent:
1° - en 1904, une mission de 8 jours, au mois de décembre, prêchée par le chanoine Lagabe, mon cousin, aumônier des Dominicains de Bar-le-duc (décédé en 1918).
2° - en 1905, la loi de Séparation et ses répercussions, qui se firent sentir surtout les années suivantes.
3° - en 1906, l'inventaire du mobilier de l'église, fait par le percepteur d'Ecurey, un nommé Lambling, protestant brutal, qui était si bourru qu'on hésitait à aller à son bureau. Mais le jour de l'inventaire, il fut d'une douceur toute particulière. Quelques personnes l'entouraient et le suivaient à l'église et à la sacristie. En sa qualité de protestant, il ignorait jusqu'au nom des objets du culte catholique et commettait des méprises qui faisaient rire les assistants. Il y avait entre autre un grand cordonnier nommé Borre, qui bien que peu pratiquant, était devenu bien pensant, grâce au père de Jules Collin, pour lequel il travaillait et chantait même au chœur avec lui. Ce Borre faisait des réflexions saugrenues à chaque question du percepteur, qui ne sourcilla pas, mais qui avait l'air d'être sur des épines.. Néanmoins, tout s'est passé dans le calme, à part ces petites pointes adressées au percepteur, qui d'ailleurs quitta Ecurey presque aussitôt.
4° - en 1906, aussi, je fus appelé à faire une période de 28 jours au mois d'octobre. Avant la loi de Séparation, les prêtres étaient dispensés des périodes d'instruction militaire qui duraient 28 jours, 13 jours (ramenés à 9 jours vers 1900), dès qu'ils étaient salariés par l'Etat depuis 6 mois au moins. Les dispensés étaient astreints à 4 périodes, dont 3 de 28 jours (alors que ceux qui faisaient 3 années de service n'étaient pas astreints qu'à deux périodes de 28 jours. Ces périodes avaient lieu, pour les dispensés qui n'avaient fait qu'un an de service, comme nous, 2 ans après la libération pour la première, la 2ème, 3 ans plus tard, la 3ème, 3 ans encore plus tard, la dernière (9 jours) 6 ans après.
J'aurais terminé mon service militaire en 1898 (il y a un 1/2 siècle); je fis ma première période en 1900, au camp de Châlons, comme infirmier à l'hôpital. je devais faire ma 2ème en 1903. Je reçu ma convocation en novembre, un mois après mon arrivée à Lissey. Je n'en étais pas dispensé parce qu'étant vicaire à Bar-le-Duc, je n'étais pas rétribué par l'Etat, mais par la fabrique de la paroisse. Dès que j'eus reçu ma convocation à Lissey, je fis une demande de sursis, appuyée par le baron de Benoist, alors député de l'arrondissement . Il me fut accordé, et j'en fus avisé indirectement par Arsène Hornard, correspondant à Lissey du député. Mais le 13 décembre, jour où je devais me rendre au camp de Châlons, je n'avais pas l'avis officiel et je dus me mettre en route. En passant par Damvillers, où j'allais prendre le courrier de Consenvoye, je demandai au receveur des postes de vouloir bien, dès l'arrivée du courrier d'Eix-Abaucourt, regarder si mon sursis ne se trouvais pas dans le courrier. Il s'y trouvait effectivement et à mon arrivée à Consenvoye, je trouvais un télégramme m'informant que l'avis officiel de mon sursis était à la poste; je pris le train pour Sivry et à midi , j'étais rentré chez moi.
Mais en 1906, après la loi de Séparation, je fus convoqué, pour les 3èmes 28 jours, je ne pus alors y échapper. Bien que le curé d'Ecurey n'eut pas d'annexe, il n'était pas autorisé à faire le service de Lissey en mon absence, à titre de représailles contre les méfaits de la loi; et les gens de Lissey sans messe pendant 4 dimanches, plus le jour de la Toussaint.
La Gazette de Lissey:Voici comment l'idée m'est venue de publier ce petit journal qui a eut pendant 2 ans un certain succès; ce qui m'a valu d'être choisi en 1925 pour diriger la Croix Meusienne.
En décembre 1905, le Journal Officiel publia la loi de Séparation des Eglises et de l'Etat. Alors que les vieux curés pleuraient leur traitement qui allait disparaître, les jeunes dont j'étais, y voyaient surtout la naissance d'une ère de plus grande liberté, parce qu'il leur répugnait d'être des fonctionnaires. Les journaux publiaient bien les principaux articles de la loi; mais les articles étaient encombrés de termes juridiques et le peuple n'y comprenait pas grand'chose. Je résolus d'expliquer le texte de la loi à mes paroissiens au cours d'une conférence faite dans la salle de la mairie. Il y eut du monde, il y eut du bruit, car des agités étaient venus d'Ecurey pour manifester contre moi. Mais les bons paroissiens m'entouraient et un certain moment, je dus les empêcher d'envoyer sur les perturbateurs les morceaux de bois destinés à l'alimentation de la cheminée. Néanmoins, je pus dire ce que je voulais dire.
Encouragé par ce succès relatif, j'annonçais un mois plus tard une nouvelle conférence sur l'origine de l'homme pour réfuter les transformistes. C'était déjà moins actuel, et j'appris qu'un certain nombre d'auditeurs, en rapportant mes paroles, les déformaient ou les tronquaient.. C'est alors que je pris la décision d'écrire ce que j'avais à dire, pour qu'on ne put déformer ma pensée. Et de là naquit la Gazette de Lissey, journal paraissant tous les samedis; j'assurais la rédaction, l'impression (au limographe) , la distribution et l'expédition aux quelques abonnés étrangers. A part le 1er numéro, je ne le donnais pas à toutes les familles. Il fallait s'y abonner. L'abonnement coûtait 20 sous pour l'année et pour 52 numéros. C'était à peu près le prix de revient. Le journal parlait de tout ce qui pouvait intéresser les gens de Lissey. Il était très lu, même à Ecurey. Le 1er numéro parut au début d'année 1906. Je cessai de le faire paraître en avril 1908, prévoyant mon changement, et ne voulant pas commencer une année que je ne pourrais pas terminer.
Un certain nombre de paroissiens en avaient conservé la collection. Mais les 2 guerres ont dû les anéantir. Moi-même, je ne la possède plus depuis 1914.On ne pourrait, je pense, la trouver qu'aux Archives Départementales.
La population: La principale famille était celle des Richard qui comprenait plusieurs branches: la plus honorable était sans contredit celle à laquelle appartient votre maman et qui avait pour chef votre grand-père Prosper. Après venaient les Hornard, les Rouyer, les Saintvanne, les Bernard, les Désaux, les Dupuy, les Collin, les Sirot, etc...
Il y avait alors quelques hommes qui portaient la barbe; d'une façon générale, c'étaient tous de fameux originaux: le père Habrant, vrai paysan du Danube, dont le fils devait entrer au Séminaire et qui devait devenir colonel pour se suicider misérablement à Damvillers, il y a une dizaine d'année; le père Harque, votre grand oncle, le père Lavallée, Ferréol Richard, Emile Richard, Désiré et Paulin Hornard, tous barbus et tous originaux.
On trouvait à Lissey aussi des prénoms qui ne doivent plus avoir cours dans la génération actuelle: Théotime (Patoche, Richard, Hornard), Ulysse (Hornard),Isaïe (Richard), Delzédar (Bon), Honoré (Santerre), Josué, Gédéon,Noémie (Vaudois), Ferréol ( Richard), Céleste (Cochard), Basile (Quintallet), Placide (Richard).
Tous les habitants étaient alors partagés en deux clans à peu près égaux: les "féburiens", partisans de Lefébure, ancien sous-préfet de Montmédy, devenu député en 1906, et les "benoitons", partisans de M. de Benoist, député de 1901 à 1906. Quelques indécis , parmi les plus pauvres surtout, disposaient de la majorité en votant tantôt pour l'un , tantôt pour l'autre. En 1903, la majorité du conseil municipal, était féburienne avec Placide Richard, comme maire. En 1904, renversement total, majorité benoitonne, avec Constant Richard, comme maire et plus tard votre grand'père Prosper.
En 1903, la majorité du Conseil de Fabrique était également féburienne, donc anticléricale. Le Conseil comprenait 5 membres plus le maire et le curé. Il y avait alors 3 membres féburiens: Désiré Hornard, président; Ulysse Hornard et Jean-Baptiste Juppin, trésorier, plus le maire Placide Richard, soit 4 féburiens. Les membres benoitons étaient Arsène Hornard et M. Gille, plus le curé censé être benoiton. Mais en 1904, le nouveau maire, Constant Richard, étant benoiton, la majorité fut retournée et comme les 3 féburiens se trouvaient au bout de leur 6 années de mandat, ils ne furent pas réélus. La loi de Séparation, en supprimant les Conseils de fabrique, arrangea les affaires.
1950
F I N
Ce manuscrit m'a été envoyé, sur ma demande, par l'abbé Royer, ancien curé de Lissey.
L'abbé Royer était alors curé de Vigneulles-les-Hattonchâtel.
Signé: Jean Rouyer
Commentaires (2)
1. Catherine Breton-Humbert 09/04/2016
Bonsoir,
Je suis à la recherche d'informations sur le Chanoine Jean François Ernest LAGABE né le 18 juin 1841 à Saint-Aubin-sur-Aire et dcd le 10 avril 1918 à Paris 14° et inhumé avec mes grands parents HUMBERT-LAGABE.
J'ai tout son parcours ecclésiastique et des photos.
Je serais intéressée à échanger des informations sur ce grand-oncle dont j'ai bcp entendu parlé dans mon enfance.
Un grand merci à ceux qui pourraient m'aider
Cordialement
Catherine Breton née Humbert
75015 Paris
AUBRY-COUPARD Georges Le 15/04/2016
Bonsoir, Malheureusement, je ne possède aucun renseignement, ni document sur le chanoine LAGABE, que d'ailleurs je ne connaissais pas. Désolé.