René CAZIN
Président de la Société des naturalistes et archéologues du Nord de la Meuse
Secrétaire perpétuel de la Société philomatique de Verdun
D’une famille de vieille souche de « chez nous », les hasards de la vie l’ont fait naître à Belleville en 1900. A 4 ans, il vint se fixer à Ecurey-en-Verdunois, lieu natal de sa mère, veuve depuis peu.
Après ses études primaires à l’école d’Ecurey, la guerre de 1914-1918 survenant, il dut après l’évacuation de la population nord-meusienne, poursuivre ses études secondaires au collège de Menton. Au retour, il obtint ses deux baccalauréats au lycée de Bar-le-Duc. Alors commença pour lui une carrière d’éducateur comme maître d’internat aux lycées de Remiremont puis de Toul, tout en préparant sa licence d’histoire et de géographie. Professeur adjoint au lycée Poincaré de Nancy, titulaire du diplôme d’études supérieures d’histoire, il est nommé professeur titulaire à Verdun (1930). Il devait rester dans cette ville durant toute sa carrière d’enseignant, réalisant ainsi son rêve dans la continuité lorraine et verdunoise.
En 1964, M. Cottaz, inspecteur d’Académie, lui remettait la cravate de commandeur dans l’ordre des Palmes académiques, récompense, certes, d’une brillante carrière et de l’ancienneté des fonctions mais, surtout, consécration d’une mission hors de pair et de la rectitude morale de sa vie et de ses activités.
Sa retraite à Verdun fut toujours active et laborieuse, conseillant les uns, aidant les autres dans leurs recherches. Jamais on n’a fait appel à lui en vain à son inépuisable savoir et à sa mémoire toujours en éveil, jusqu’au jour où, terrassé par une attaque, il décéda le lendemain, 18 février 1981.
Ses obsèques eurent lieu en l’église Saint-Sauveur de Verdun, suivies de l’inhumation au cimetière d’Ecurey-en-Verdunois où il repose près des siens. Tout Verdun rendit hommage à celui qui fut l’animateur culturel de la ville : membre pendant 46 ans de la Société philomatique et son secrétaire perpétuel, président de la Société des naturalistes et archéologues du Nord de la Meuse, membre du conseil d’administration de la Caisse d’Epargne de Verdun… M. le chanoine Rouyer, dans son homélie, retraça cette vie bien remplie d’un homme tolérant, attentif aux autres, exigeant pour lui comme pour ses élèves, travailleur, pédagogue-né, - le véritable « honnête homme » - et homme de paix, qui reste pour tous le symbole du devoir, de la conscience professionnelle et du bon travail accompli.
Voici quelques témoignages recueillis :
« Tout en étant légèrement plus jeune que René, la différence d’âge n’empêche pas que, très vite entre nous, s’établissent des liens de grande camaraderie et d’amitié… je le considérais comme un grand frère en qui j’avais une confiance qui n’a jamais été déçue. Nous avions d’ailleurs un point commun : il avait perdu son père très jeune et je venais de perdre le mien durant la guerre de 14-18. Et puis nos mères étaient des amies d’enfance… Sa présence me rassurait. Déjà pédagogue, il m’était d’un grand secours pour mes devoirs de vacances… m’initiant à la photo. Nous passions nos vacances scolaires ensemble et, quand je repris l’exploitation agricole à Sivry, il n’hésitait pas à venir nous aider pour les durs travaux de la moisson. A chaque fête de famille, il était des nôtres. Mes filles l’appellent Oncle René, tant était grande notre amitié commune ».
« Tel que l’on a rouvert sa maison d’Ecurey – comme pour une dernière halte – je rouvre ma mémoire pour y retrouver encore une fois à travers mes souvenirs, cet homme de demeures de terroir, d’environnement.
Ses demeures – à son image – à la fois secrètes et chaleureuses comme les paysages d’où elles étaient issues, comme lui, de ces horizons meusiens qu’il faut deviner et apprivoiser lentement – avaient jalonné la géographie de vie : Verdun, Ecurey, qui s’appelle aussi en Verdunois. Mais sa maison, c’était en grande partie ce collège auquel il avait consacré son esprit plus qu’à ses demeures temporelles, et qui fut pendant plus de trente ans le foyer vers lequel son intelligence ne cessa de se tourner. Cette maison qu’il avait quittée avec la certitude d’avoir dit tout ce qui importait, fait ce qu’il avait à faire.
Il semble bien – maintenant qu’il n’est plus – que la personnalité de René Cazin doive se recomposer dans le cœur de ses amis. Et nous le savons d’autant mieux qu’il n’a jamais voulu en réalité paraître ce qu’il était vraiment. Forcer aujourd’hui cette retenue qui lui était coutumière, tenter d’éclairer son visage en quelques mots, c’est tenter – par-delà la mort – de le débusquer de lui-même.
Ti fut d’abord d’un temps, d’une morale, d’une vertu. Il était fortement convaincu de la nécessité de s’instruire et que là était la clé de toute existence. Mais il savait aussi, comme La Rochefoucauld, qu’il n’y a pas, en ce qui concerne les hommes, de loi générale. Il professait que chacun doit se consacrer à ce qu’il a de plus personnel en lui, c’est-à-dire à ce qu’il est le seul à pouvoir faire ou le plus apte à accomplir. De là, dans son attitude à notre endroit, cette insatisfaction exigeante qui n’était autre qu’une invite au travail. Il faudrait aussi ne pas oublier ce cadre où nous vivions alors. Rien de douillet, rien de facile ; mais des contacts plus vrais, plus approfondis. Dans ces lycées de naguère – dans cette atmosphère à la fois rare et raréfiée – l’esprit austère ne pouvait s’enivrer, sinon de lui-même.
Nous retrouvions René Cazin à chaque rentrée. De ces vraies rentrées d’octobre, dans les précoces fraîcheurs des matinées d’automne où le froissement des premières feuilles mortes, jonchant les cours du collège, accompagnaient nos lentes méditations autour des platanes. Il promenait sur chaque nouvelle un regard surpris et étonnamment clair, semblant découvrir quelle espèce d’animaux on lui fournissait là. Et ce troupeau attendait, docile, vaguement ému, mi craintif, mi curieux. On commençait par s’observer, puis doucement, sûrement, il poussait son petit monde sur cet étrange et périlleux chemin où, imperceptiblement, il nous menait au débouché de la vie. Avec précautions il mettait en œuvre toute une pédagogie où certaines règles apparaissaient. Il excellait à réduire – non sans humour – les cas complexes en figures simples, et il ne manquait pas une occasion d’éveiller notre curiosité à l’aide de surprenantes anecdotes et cet appât savoureux nous faisait mordre à des plats bien plus copieux. Il emportait à la fois l’adhésion et l’objection, signe chez lui de richesse et d’affirmation d’une différence où nous nous retrouvions fréquemment. Sous une profonde modestie, qui confinait à l’effacement, nous sentions combien il brûlait pour les autres. Il servait largement, caustique souvent, agressif parfois, et ne gardait pour lui que les cendres, riches et féconds d’où renaissait sans cesse la parole captivante.
Cet homme qui avait quelque chose de nordique en lui, avait comme un regard brûlé de l’intérieur.
Chez lui, enseignement et morale se confondaient. Il était de ces hommes responsables et libres, chargés simplement d’élever les autres à la disponibilité et à la liberté. En nous conseillant de ne se fier à personne – pas même à lui – il voulait d’abord n’être que le professeur et jamais un modèle. Il a malaxé notre esprit, mais nous ne l’imitons pas ; nous n’avons pas ses opinions, ses préférences, mais nous avons mieux. Nous savons que sans lui nous n’aurions pas d’opinion du tout. Le vrai professeur est celui qui permet de se choisir et non de le choisir, René Cazin était de ceux-là.
Je n’ai jamais été de ses familiers. Je n’en suis que plus à l’aise pour dire que je fus toujours en reste avec lui. Maintenant que le temps a passé et permis de dégager l’essentielle vérité de son enseignement, je suis convaincu qu’il m’a appris à trouver librement, mais lucidement, mes propres voies. De cela, à lui, merci ! »
« Penser « René Cazin », c’est dire amitié, dévouement, modestie, existence vouée à l’enseignement, à la communication généreuse et discrète.
J’ai connu M. Cazin pendant plus de trente ans, alors qu’il était professeur d’histoire aux lycées de Verdun. A chacune de nos rencontres, et, le plus souvent avec la douce Mme Cazin (née Duchêne, son père fut maire de Lissey), c’était le même plaisir partagé dans l’échange de nos impressions, avec, pour moi, le sentiment délicieusement réconfortant d’être redevenu l’élève d’un bon maître. La personnalité spirituelle de l’humain chez mon ami semblait réfléchir l’ombre et la lumière du surhumain des paysages, des monuments que nous avions le bonheur de contempler et d’écouter nous raconter le plus apparent de leur histoire.
Verdun, Montmédy, Avioth, Marville, Mont-devant-Sassey, Buzenol-Montauban, citadelle ce beauté dans notre mémoire, vous avez hanté nos rêves, et étanché notre soif de connaître sans jamais nous livrer tous vos secrets.
Le bon cœur de René Cazin, son désir d’aider les chercheurs et les animateurs de Société savantes furent largement, on oserait presque dire immodérément, exploités. Il était secrétaire perpétuel de la Société philomatique de Verdun, conservateurs des antiquités et objets d’art pour le département de la Meuse, président de la Société des naturalistes et archéologues du nord de la Meuse.
Ses multiples occupations extra-muros, dévoreuses de temps, ne lui permirent pas de s’adonner à son goût pour la recherche et la publication d’importants volumes d’histoire. Le dévoué René Cazin avait accepté le rôle ingrat de préparateur, de correcteur des textes à publier dans les revues auxquelles il était lié. Une de ses tâches – et non des moindres – était de rédiger les comptes rendus bibliographiques.
L’homme et l’œuvre de « René Cazin » sont pour ses amis un sujet d’admiration. Il fut le digne continuateur des Errard, des Delangle, des Déjardin à la tête de la Société et du Bulletin des Société prénommée du nord de la Meuse ».
Ses travaux :
La liste suivante ne prétend pas être exhaustive, tant sont nombreux les comptes rendus très divers (excursions, bibliographies…) les articles dans les journaux locaux (Républicain lorrain et Est républicain) et les communications orales ou conférences publiques. La plupart de ces travaux sont restés manuscrits.
Cependant, nous avons retenu :
1958, Aspects de la vie économique de Verdun à la veille de la Révolution
1966, La bataille de Verdun
1967, Syndicats et grèves en Meuse de 1880 à 1914
1966, François III, dernier duc de Lorraine et de Bar (1729-1737)
1974, Inscription des amendes imposées par la Kommandatur locale à Ecurey-en-Verdunois en 1916-1918 ;
1978, Le Recteur Babin (1905-1978) ;
1979-1980, Le Professeur Alexis Vautrin (1895-1927), sa vie, ses œuvres
1936 – Le Châtelet de Lissey (en collaboration avec Jules Duchêne)
1947-1948, Inscriptions (révolutionnaires) de l’église de Saint-Laurent-sur-Othain.
1958, Senon fut-il défendu par l’Empereur Julien à la fin de 356 après Jésus-Christ.
Tome XXI, Le passage du roi Henri IV à Verdun en 1603 ;
Tome XXII, Le quatrième Centenaire du rattachement de Verdun à la France
1928, Les inondations de l’été 1734 en Lorraine
1959, L’activité de la Société philomatique de Verdun de 1954 à 1958
1950, Le général Déprez (1845-1940).
CONFERENCES PUBLIQUES :
EN COLLABORATION :