Sociétés de tir après 1870

Sociétés de tirs sous la IIIème République

 

          Après la défaite de 1870, les sociétés de tir ont connu un grand développement en France et particulièrement dans les provinces de l’Est, au point de faire l’objet de plusieurs circulaires ministérielles.

          Sous couvert de pratiques sportives les sociétés de tir proposaient à leurs adhérents de les initier à une préparation militaire en temps de paix, dans la perspective de la revanche sur l’Allemagne après la perte de l’Alsace-Lorraine.

          En 1871, Jules SIMON, ministre de l’Instruction publique, notifiait aux recteurs d’académie que « Le gouvernement attache la plus grande importance à ce que les exercices corporels, y compris le maniement du fusil, occupent désormais une large place dans l’éducation de la jeunesse ». Puis dans une circulaire du 20 mai 1880, Jules Ferry rappelle que le Parlement a affirmé « d’une manière éclatante sa sollicitude pour un enseignement que l’on peut considérer comme le complément indispensable des études scolaires et comme moyen très efficace d’assurer le bon fonctionnement de nos lois militaires. (…) Les exercices de l’école du soldat (….) préparent directement les jeunes gens au service militaire. Il en est de même des promenades qui ont pour objet de leur faire contracter l’habitude de la marche et dont on peut profiter pour leur donner des notions de topographie fort utiles. L’enseignement du tir présente également un grand intérêt (…) » Puis par décret du 27 juillet 1882 le tir devient, dans l’enseignement primaire, une discipline scolaire obligatoire pour les garçons. Deux circulaires des 27 juin 1903 et 26 avril 1907 prescrivent diverses mesures relatives aux exercices de tir dans les écoles primaires : «  Les instituteurs seront invités d’une façon pressante à donner l’instruction du tir à courte distance de leur école ; il leur sera recommandé, s’ils n’ont déjà une organisation fonctionnant à leur satisfaction, de procéder à la création de petites sociétés scolaires de tir et d’y ajouter une section postscolaire destinée à assurer la continuation des exercices dans les sociétés jusqu’au service militaire et même après, s’il convient ».

          Matériel : Fin XIXe – début XXe, les sociétés de tir disposent, alors :

          De pas de tir à 45 mètres, dotés de fusils de guerre Lebel (1886) et Gras (1874).

          De pas de tir à 12 mètres, avec des armes d’épaule de petit calibre (bosquette 6mm et carabine Flobert.

          Ainsi, pratiquement chaque petit village, sous l’impulsion de son instituteur ou autre, se dote d’une société de tir. La presse locale se fait l’écho de chaque manifestation, en voici quelques exemples :

          vendredi 18 septembre 1885: ECUREY - Résultat du concours de tir de carabine Flobert organisé par les soins de M. Richard, clerc de notaire, à l'occasion de la fête patronale d'Ecurey du 13 de ce mois:

            1er prix. MM. Paul Lespine, de Troyes.

            2ème  -            Frédéric Désaux, d'Ecurey

            3ème  -            Amédée Richard, de Lissey.

            4ème -             Charle Candelier, de Chateauroux.

            5ème -              Péchenart, notaire à Ecurey.

            6ème -             Pirlot, d'Aincreville.

            7ème -            Eugène Breton, de Paris.

            8ème -            Charles Troyon, de Lissey-la-Petite.

            9ème -           Masson d'Ecurey.

            10ème -         Charles Simonin, d'Ecurey.

            On ne saurait trop propager dans nos campagnes cette excellente idée du tir qui est le commencement de l'éducation militaire pour les jeunes gens. (Le Journal de Montmédy).

          21 septembre 1886 : ECUREY - A l’occasion de la fête patronale d'Ecurey qui a eu lieu le dimanche 12 septembre, un concours de tir à la carabine Flobert a été organisé par M. Richard, clerc de notaire à Ecurey et a donné de très bons résultats.

            Le nombre de balles à tirer par carton était de 3 et le maximum des points que l'on pouvait obtenir était de 15.

            Ont obtenu :

            1er prix. MM. Charles Candelier, de Chateauroux................    15 points

            2ème     -         Pirlot, d'Aincreville                                              14   -

            3ème     -         Péchenart, notaire à Ecurey                                 13   -

            4ème     -         Léonce Mogenot, conducteur des ponts et chau 13   -

            5ème     -         Collin, sergent au 3e rég. du génie                       13   -

            6ème     -         Jean Pascal de Lissey                                           13   -

            7ème   -           Paul Lespine, de Bar-le-Duc                                13   -

            8ème     -         Putiot, instituteur à Morgemoulin                       13

          A cet endroit, il me faut faire un aparté, car le vainqueur, Charles Candelier, n’est âgé seulement que de 15 ans et n’est autre que la grand-père maternel de l’actrice et réalisatrice, bien connue, Cécile AUBRY

Charles Edouard François CANDELIER est né le 26 mars 1871 à Inchy-en-Artois (Pas-de-Calais), fils de Charles Auguste Candelier (1838-1907) et de Marie Joséphine Péchenart (1848-1872), il est mort le 21 septembre 1949 à La Harmoye, à l’âge 78 ans.

Polytechnicien, Chevalier de la Légion d’honneur en qualité de capitaine de réserve hors cadre adjoint à la commission du réseau n°1 (27 août 1915. Officier de la Légion d’honneur en qualité d’ingénieur en chef des ponts et chaussées hors cadre de la mission d’étude du chemin de fer du sud de l’Indochine (décret du 2 août 1923) sur rapport du ministre des Colonies.

A l’âge de 1 ans, il perd sa mère. Il est receuilli par son oncle Edmond LESPINE (Lissey-la-Petite) (conservateur des Eaux et Forêts) et son épouse Francine PECHENART, sœur de la défunte. Par ce fait, il fréquenta l’école communale d’Ecurey. Par la suite, il revenait au village pendant les vacances.

16 octobre 1891 : ECUREY – On le trouve conduisant Mme BAUDIER, sœur du colonel LARDENOIS, (originaire d’Ecurey, ancien commandant de la garde municipale de Paris), fêtant son centenaire,à l’offrande, par son arrière -petit-neveu l’un de nos plus brillants élèves à l’école polytechnique. C’était un spectacle vraiment touchant, nous dit le narrateur.

23 août 1892: ECUREY - On nous écrit: Parmi les élèves sortant cette année de l'école polytechnique, figure avec le numéro 6, M. Charles Candelier, fils de M. Candelier, secrétaire général de la Préfecture des Côtes du Nord et neveu de Me Péchenard, notaire à Ecurey, et arrière petit-neveu de Mme Beaudier, la centenaire d'Ecurey.

            M. Candelier, fils, sorti dans les premiers numéros de l'école, ingénieur des ponts et chaussées, fera une année de services militaires au 5e régiment du génie en garnison à Versailles, en qualité de sous-lieutenant.

Cecile aubry photo

Anne-Josée BENART dite Cécile AUBRYest née le 3 août 1928, à Paris 16e et morte le 19 juillet 2010 à Dourdan, d’un cancer du poumon. Elle est issue d’une famille de la haute bourgeoisie : père polytechnicien, mère égyptologue, etc… Tout le monde ou presque connaît son parcours : elle débute au cinéma dans Manon de Henri-Georges Clouzot, puis dans la Rose Noire, elle joue au côté de Tyronr Powwer et Orson Welles et dans Barbe Bleue elle est au côté de Pierre Brasseur.

En 1956, elle épouse, Si Brahim el Glaoui, fils du pacha de Marrakech, rencontré pendant le tournage de la Rose Noire. La même année, elle donne naissance à son fils Mehdi, (qui ne connaitra pratiquement pas son père car celui-ci meurt en 1971) abandonne son métier d’actrice et se fixe  à Dourdan où elle achète Le Moulin Bleu.

Elle devient écrivain pour la jeunesse et adapte elle-même ses romans pour la télévision. Les feuilletons Poly, puis, la série Belle et Sébastien, le Jeune Fabre sont des succès.

Le choix de « AUBRY » comme nom de scène ne la relie en aucune façon, à l’auteur de cet article, mais plus amusant, Mme LAMBOTTE d’ECUREY, adhérente de la Snanm, ainsi que mon épouse, toutes deux nées COUPARD, descendantes directes de Edmond LESPINE, cité plus haut, lui sont apparentées. Elle les a reçues, d’ailleurs, plusieurs fois dans son Moulin Bleu de Dourdan.

     05 août 1908 : L'AVANT GARDE de LISSEY : Objet : Etude de tir. Siège social : Ecole de Lissey (Journal officiel de la république française). (Le Journal de Montmédy)

          24 février 1909: LISSEY: - Société de Tir << L'Avant Garde >> - Dimanche dernier, les membres de la société de tir L'Avant Garde, de Lissey, se sont réunis en assemblée générale pour renouveler leur bureau.

                Cette société, vieille d'un an à peine, compte aujourd'hui déjà plus de quarante membres, sans distinction d'opinion politique.

            Après l'exposé de la situation et de l'adoption du compte-rendu de l'année 1908, il a été décidé qu'un concours de tir sera organisé pour le 14 juillet prochain. A cette occasion, la commission recevra avec reconnaissance les cotisations et les dons, de toute personne qui de près ou de loin s'intéresse à cette société patriotique.

            Voici pour 1909, la composition du bureau:

            Président d'honneur: MM. Maillard Charles, conseiller général; Herbillon Gustave, conseiller d'arrondissement.

            Président directeur: M. Rochon, instituteur.

            Vice-président: M. Collin Jules

            Secrétaire: M. Richard Gustave.

            Trésorier: M. Rouyer Marius.

            Commissaires: MM. Richard Jean et Rouyer Marius.

            A l'issue de la séance, l'assemblée a voté à l'unanimité à nos dévoués représentants l'adresse suivante, pour les remercier de leur générosité et du concours moral qu'ils apportent à la prospérité de la Société:

            << L'Avant Garde de Lissey, réunie en assemblée générale, après avoir reçu communication des lettres adressées à son président par MM. Lefebure, député, CH. Humbert, Poincaré, sénateurs, envoie à ces dévoués représentants l'expression unanime de ses remerciements sincères, pour la part qu'ils ont prise à la fondation de cette jeune société.

            Le Président: ROCHON (Le Journal de Montmédy).

16 août 1909 : LISSEY : - Distribution des prix de tir de l'Avant-Garde - On nous écrit:       Les membres de la Société de tir l'Avant Garde de Lissey ont clôturé dimanche dernier leurs séries de tirs par un concours général suivi d'une distribution de prix.

                Encouragés par la présence de M. le Maire, de son adjoint et de plusieurs Conseillers municipaux, l'unisson et la gaité ne cessèrent de présider à cette petite fête, où chacun, depuis le plus jeune jusqu'au plus vieux, a voulu démontrer ses qualités de bon tireur. Aussi, on peut dire, pour une jeune société, que les résultats ont été plus satisfaisants, et c'est avec plaisir que chacun a reçu son prix, en se promettant de faire encore mieux l'an prochain.

            Le but de ces institutions purement patriotiques est de former de bons tireurs et au moment où le service militaire est réduit, on est assuré de servir la Patrie avec honneur, et au besoin, de la défendre avec gloire.

            Un autre but de ces Sociétés, c'est d'avoir pendant une partie de l'année en cours des exercices de tir, des distractions agréables pour la jeunesse, et de resserrer aussi les liens d'union et de fraternité entre tous ses membres.

            Aussi on peut espérer que tous les jeunes gens de Lissey, en raison du service militaire obligatoire pour tous, tiendront à faire partie de notre Société l'Avant Garde afin de la rendre plus forte et bien disciplinée, pour qu'elle puisse rivaliser avec ses sœurs voisines.

            La Société se fait un devoir de remercier ses membres adhérents et honoraires er aussi ses membres d'honneur, ses fondateurs, dont nous espérons voir le nombre s'accroitre de jour en jour.

                Nous remercions aussi les généreux donateurs de prix, nos dévoués représentants, MM. Humbert, sénateur et Lefebure, député, MM. Maillard, conseiller général, Herbillon, conseiller d'arrondissement, Richard Martial, clerc de notaire à Damvillers, Duchêne, maire, ainsi que plusieurs personnes de Lissey.

                Nous n'oublierons pas non plus le président-directeur, M. Rochon, instituteur, pour le zèle et le dévouement qu'il apporte à notre Société.  Un membre   (Le Journal de Montmédy).

          29 mai 1909 : BREHEVILLE : - Concours public de Tir - Les dimanches 6 et 13 juin 1909, de 1 heure à 6 heures du soir, la Société de tir La Bréhévilloise organise un grand concours public avec de très importants et nombreux prix.

          26 juin 1909 : BREHEVILLE : - Société de tir - Le 25 juin a eu lieu à Bréhéville la distribution des prix de tir aux lauréats du concours public organisé en 1909 par la Bréhévilloise.

                La salle d'école, décorée avec goût par les membres de la Société de tir offrait un coup d'œil splendide : les murs disparaissaient sous une épaisse couche de verdure et, çà et là, des trophées de drapeaux se détachaient gaiment sur le vert sombre.

            A deux heures, M. Fernand Deschange, capitaine au 45e régiment territorial ; président de la Société de tir, La Frontière, président de la société de préparation militaire, les Touristes, de Longuyon, à qui la présidence de l'assemblée avait été offerte, fait son entrée en tenue dans la salle archicomble : tous les assistants se lèvent et lui font ovation ; la Marseillaise jouée par le zonophone est écoutée debout dans un silence religieux.

            M. Toussaint, président de la Société présente M. Deschange et lui donne la parole.

            J'aurais voulu reproduire en entier la magnifique improvisation de M. Deschange afin qu'elle restât gravée dans tous les cœurs. Pendant plus d'une demi-heure, l'orateur tint l’assistance sous le charme d'une parole chaude et vibrante. Il montre l'utilité des sociétés de tir, les résultats qu'elles produisent ; il rend un juste hommage à M. Toussaint, instituteur, qui a pu surmonter toutes les difficultés pour fonder La Bréhévilloise, et qui, depuis près de quatre mois, lui a consacré tous ses dimanches, à M. Lefébure, député, à M. Humbert, sénateur; à M. Maillard, conseiller général, qui ont contribué à la fondation de la Société par des dons importants et qui ont encouragé les tireurs en leur offrant de beaux prix. Des applaudissements prolongés saluent les noms de nos représentants.

            M. Deschange termine son discours en faisant un pressant appel à ceux, jeunes et vieux, qui ne font, pas encore, partie de la Société ; les premiers y acquièrent toutes les qualités qu'un bon soldat doit posséder; les seconds s'entretiendront la main et y apporteront leur concours financier. Il les adjure de bien travailler pour la France, pour la Patrie, pour la République.

            Un immense applaudissement accueille la péroraison de l'honorable M. Deschange.

            Le zonophone joue Le 4e de ligne en campagne et M. Toussaint, président de la Société, se lève, il remercie M. Fernand Deschange des bonnes paroles qu'il vient de prononcer, il le remercie d'avoir bien voulu accepter la présidence de la distribution  des prix de tir; il adresse ensuite ses remerciements à MM. Lefébure, Humbert, Maillard, Deschange, Nitriol et Moignard, à tous ceux qui ont pris part à la souscription qu'il avait organisé pour la fondation de la Société, à M. Vincent, maire de Bréhéville, qui a gracieusement offert un champ de tir, aux membres du Bureau, qui se sont montés très dévoués.

            M. Toussaint présente ensuite La Bréhévilloise à M. Deschange; il l'assure que tous ces cœurs battent à l'unisson dans un même amour pour la France, la Patrie, la  République. (Applaudissements).

            Un défilé de la Garde républicaine que chante le zonophone et le président donne lecture des résultats du concours de tir de 1909.

Réactivé avec force en 1907, l’enseignement du tir à l’école primaire tombe progressivement en désuétude à partir de la réforme de 1925 pour aboutir dans les années 1930 à un décret d’abrogation émanant du ministre de la Guerre, le maréchal Pétain.

On peut le regretter, car ces manifestation donnaient de l’animation dans nos villages

Georges AUBRY-COUPARD

                                                        Sources : Wikipédia,

Extraits du Journal de Montmédy

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